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LA THÉORIE DES MARÉES

sement du port a suggéré à Jean Buridan cette intervention ; mais sur les côtes de Picardie, où il a observé la marée, l’établissement du port est voisin de douze heures, ce qui rétablit à peu près la concordance entre les jusants et les passages de la Lune au méridien. Il semble donc difficile de dire pour quelle raison Buridan a modifié la loi expérimentale, bien connue de tous ses prédécesseurs.

« La quatrième expérience, c’est que le flux qui se produit lorsque la Lune vient au méridien de midi est plus fort que l’autre flux.

» La cinquième expérience, c’est que les flux sont ordinairement plus grands au moment de la pleine lune qu’au moment de la conjonction. »

On pourrait penser que, par cet énoncé, Buridan reproduit l’erreur de Guillaume d’Auvergne et de tant d’autres, qu’il croit à l’existence d’une seule vive-eau mensuelle, la vive-eau de pleine-lune ; semblable erreur serait surprenante de la part de celui qui, de ses propres yeux, a observé le flux et le reflux sur la côte picarde ; en réalité, Buridan, qui ne recevait point cette idée fausse dans la première rédaction de ses Questions, ne l’admet pas davantage ici ; tout à l’heure, nous l’entendrons faire allusion aux deux vives-eaux de pleine lune et de nouvelle lune ; il veut seulement dire ici, ce qui, d’ailleurs, n’est pas exact, que la première est plus forte que la seconde.

« La sixième expérience, c’est que les flux sont plus grands en hiver qu’en été. »

Cette proposition, que formulait déjà la première rédaction des Questions et, avant elle, le Tractatus de fluxu et refluxu maris, est tout à fait erronée, puisque les vives-eaux les plus considérables ont lieu au voisinage des deux équinoxes, et que les vives-eaux voisines des solstices sont les moins marquées. Il est curieux de voir des personnes qui ont, par elles-mêmes, ’observé la marée, qui ont fréquenté les gens de mer, comme l’auteur du Tractatus de fluxu et refluxu maris, comme Jean Buridan, méconnaître à ce point la loi qui régit la période annuelle de la marée, alors qu’il n’est pas un marin, pas un pêcheur qui l’ignore.

Buridan mentionne une dernière expérience[1] :

« En mer se trouvent des gouffres dans lesquels l’eau coule

  1. Ms. cit., fol. 205, col. c.