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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

différente de celle que nous avons lue dans la première édition ; la différence est si grande qu’on a, parfois, peine à croire que cés deux exposés soient d’un même auteur ; de part et d’autre, cependant, les pensées essentielles sont les mêmes.

La seconde édition nous présente, en particulier, ce que nous chercherions vainement dans la première, des remarques et observations personnelles touchant le phénomène de la marée ; ces notes personnelles abondent, d’ailleurs, en mainte question de cette seconde édition ; elles nous apprennent parfois quelque particularité de la vie de l’auteur.

Selon la méthode très logique qu’il suit volontiers dans ses divers écrits de Physique, Buridan commence par poser les lois expérimentales qu’il s’agit d’expliquer.

« Il nous faut, dit-il[1], présenter d’abord ce qui apparaît au sens, puis considérer où s’en trouvent les causes.

» Une première expérience, c’est que nombre de mers, en nombres de lieux, coulent visiblement, deux fois par jour, hors d’elles-mêmes, comme si elles devaient quitter leur lit ; puis, elles rentrent en elles-mêmes ; ce flux et ce reflux sont très grands et très faciles à observer à Boulogne-sur-Mer et à Montreuil ; là, deux fois par jour, la mer s’écoule hors d’ellemême sur une étendue de deux lieues. »

Le picard qu’est Buridan nous fait part, tout d’abord, de ce qu’il a vu de ses propres yeux.

« La seconde expérience, c’est que ces flux et ces reflux, d’un jour au suivant, retardent d’une heure ou presque d’une heure…

» La troisième expérience, c’est qu’un flux se produit lorsque la Lune atteint le méridien, et un autre lorsqu’elle se trouve au méridien de la nuit ; le reflux se produit lorsque la Lune vient à son lever et un autre lorsqu’elle est à son coucher ; nous devons regarder cette troisième expérience comme la cause de la seconde. »

La loi qu’énonce Buridan est contraire à la loi véritable qu’avaient formulée Posidonius et Ab ou Masar ; celui-là place respectivement le flot et le jusant au moment où ceux-ci placent le jusant et le flot ; on pourrait croire que le copiste a permuté les deux mots fluxus et refluxus si un passage que nous trouverons plus loin ne venait confirmer celui que nous venons de lire. On pourrait penser que le retard causé par l’établis-

  1. Ms. cit, fol. 205, col. b.