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LA THÉORIE DES MARÉES

l’opposé du méridien. Dans ce cas, en effet, ses rayons sont réfléchis, par la huitième sphère et par les étoiles qui sont à l’opposé de cet astre, vers les parties de la Terre qui se trouvent sous le méridien de la région considérée.

» Ces suppositions faites, nous formulons une première conclusion : Le mouvement de la mer, c’est-à-dire le flux et le reflux, a pour cause effective le mouvement de la Lune ; cela est évident, car la mer croît jusqu’à former une intumescence ; ainsi enflée, elle se meut et se déverse sur les côtes, ce qui produit le flux de la mer ; mais, à la suite du départ de ces rayons de la Lune qui, en vertu de notre première supposition, ont domination sur l’humidité des eaux, l’eau de la mer perd cette enflure, et la partie de la mer qui avait fourni le flux retourne, en refluant, au lieu naturel de la mer.

» La Lune alors descend sous notre hémisphère et commence à regarder directement les étoiles, situées au-dessus de notre hémisphère, qui lui sont opposées ; elle envoie sur ses étoiles sa force motrice des eaux et cette force, réfléchie sur la mer par ces étoiles, en vertu de ce qu’imagine notre troisième supposition, fait que la mer commence de nouveau à enfler ; il advient ensuite ce qui advenait précédemment en vertu de la présence de la Lune qui regardait la région considérée ; la mer reflue une seconde fois, mais ce second mouvement est plus faible que le premier.

» On voit ainsi comment la Lune est cause d’un flux et d’un reflux de la mer, lorsqu’elle se trouve au-dessus de notre hémisphère, et comment, lorsqu’elle est sous notre hémisphère, elle est encore cause d’un flux et d’un reflux. Lorsqu’elle est au-dessus de notre hémisphère, elle cause le flux et le reflux par le moyen de ses rayons directs ; lorsqu’elle est sous notre hémisphère, elle cause le flux et le reflux par l’intermédiaire de ses rayons obliques [réfléchis]. Il est clair que, des deux flux produits en un même jour naturel, l’un est plus fort que l’autre. Lorsque la Lune est au-dessus de notre hémisphère, elle détermine, par ses rayons directs, une intumescence plus forte ; lorsqu’elle est sous notre hémisphère, elle détermine, par ses rayons réfléchis, une intumescence moins forte. »

Pour expliquer la production de deux flux et de deux reflux par jour lunaire, Buridan admet ici, dans toute sa plénitude, la théorie de Robert. Grosse-Teste. Dans la seconde édition des questions sur les Météores, nous l’entendrons rejeter cette même théorie.