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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

« Certains Anciens pensaient, dit-il, [1] que le mouvement diurne est la cause efficiente de ce mouvement de la mer. De même que le mouvement diurne meut circulairement le feu, qu’il entraîne l’air situé au-dessus des plus hautes montagnes, ils imaginaient qu’il en est de même du mouvement de la mer ; tous les fluides de ce bas monde, à leur gré, étaient aptes à recevoir ce mouvement qu’est le mouvement diurne ; leur nature le peut souffrir. Ils ajoutaient que l’eau ne peut accomplir en entier son mouvement circulaire autour de la Terre, car elle ne saurait monter aussi haut que la terre ferme ; lors donc que son flux l’a conduite jusqu’à cette terre, comme elle ne saurait monter davantage, elle revient en sens contraire à son lieu naturel. C’est ainsi qu’au flux et au reflux de la mer, ces personnes assignent pour cause le mouvement diurne.

» Mais cette explication ne vaut pas ; en effet, la succession des flux et des reflux de la mer n’est pas réglée sur le mouvement diurne ; ils ne se produisent pas une fois ou deux fois ou trois fois précisément en un jour naturel ; ils se règlent sur le mouvement de la Lune, comme nous l’allons dire ; ce qu’il faut assigner pour cause au flux et au reflux, ce n’est donc pas le mouvement diurne, mais le mouvement de la Lune…

» Notre première supposition[2] sera donc la suivante. La Lune a domination sur les substances riches en humidité aqueuse ; elle les met en mouvement et en produit le gonflement ; ainsi voyons-nous que certains animaux dont la complexion consiste en une humidité fluide, tels que les coquilles et les huîtres, croissent ou décroissent selon que croît ou décroît la vertu de la Lune. Au septième chapitre du Livre des éléments, cette supposition se trouve illustrée de plusieurs autres exemples.

» Notre seconde supposition sera celle-ci : tout astre errant agit plus fortement en une certaine région de la Terre quand il est au méridien de ce lieu, c’est-à-dire au point où le Soleil se trouve à l’heure de midi, que lorsqu’il n’est pas sur le cercle ; la raison en est qu’alors cet astre regarde plus directement ce qui se trouve au-dessous de lui. Par conséquent, la Lune agit plus fortement sur les choses d’ici-bas lorsqu’elle passe au méridien.

» Voici notre troisième supposition : Tout astre errant a aussi une action plus forte lorsqu’il se trouve sous la Terre à

1. Byridani Op. laud., lib. II, quæst, X : Utrum mare debeat fluere et refluere ; ms. cit., fol. 22, col. c.

2. Ms. cit., fol. 22, col. c et d.

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