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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» En un jour et une nuit, donc, tous les cieux, suivant le mouvement, du premier mobile, accomplissent une révolution entière. La sphère du feu tout entière suit ce mouvement, car la rareté et la légèreté qu’il possède rend le feu facile à mouvoir. La sphère de l’air ne prend pas, tout entière, part à ce mouvement, car, tout au moins, l’air qui se trouve enfermé entre des montagnes ne peut le suivre ; l’air suit donc, moins que le feu, le mouvement du ciel. L’eau, à son tour, suit ce mouvement encore moins que l’air ; on doit croire, en effet, qu’une faible partie de la sphère de l’eau ou de la Grande Mer suit seule ce mouvement.

» Peut-être donc la partie de l’eau qui est plus légère ou moins grave, qui participe davantage à la nature de l’air, suit-elle le mouvement du ciel ; c’est par elle-même’non par accident, que cette eau suit ce mouvement de circulation ; mais si elle vient à déborder sur la terre, ce sera par accident, parce qu’elle s’accumule sur la côte vers laquelle elle se meut, et qu’une fois accumulée, elle se répand sur le rivage…

» Ce mouvement de la mer ira donc d’une des rives à l’autre rive ; sur celle-ci, la mer produira un flux et s’étendra ; puis, par l’effet de sa gravité, ou bien sous l’influence du mouvement du ciel, elle reviendra vers l’autre rivage ; sur le premier rivage, alors, elle produira un reflux et se retirera.

» De cette façon, donc, on pourra peut-être sauver la production de deux flux et de deux reflux de la mer durant une seule et même circulation du premier mobile ; un de ces flux et un de ces reflux proviennent dé l’augmentation et de la diminution des eaux ; l’autre flux et l’autre reflux sont produits par le mouvement du premier mobile. »

De la difficulté qui le préoccupait à juste titre, Gilles de Rome n’avait pas donné de solution satisfaisante ; l’invention d’une telle solution devait, bien longtemps encore, échapper aux physiciens.


VI

L’ÉCOLE DE PARIS AU XIVe SIÈCLE. — JEAN BURIDAN


Au temps où Jean Buridan commença de philosopher, la théorie des marées avait suscité, dans les écoles de Paris et d’Oxford, une multitude d’explications ; chacune d’elles acusait