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LA THÉORIE DES MARÉES

beaucoup de chaleur ; non seulement ils tiédissent la mer, mais ils la rendent brûlante et la font bouillir. Cela ne paraît nullement incroyable si l’on observe à quel point nos eaux tiédissent pendant l’été, bien qu’elles soient fort éloignées de ces rayons perpendiculaires.

» Par ce grand échauffement, les eaux de la mer se résolvent en vapeurs, les vapeurs se convertissent en air, l’air lui-même éprouve une extrême raréfaction ; toutes ces transformations, en effet, sont conséquences nécessaires d’une chaleur intense.

» Mais de cette raréfaction ou de cette volatilisation résulte nécessairement l’occupation d’un plus grand espace ; nul ne l’ignore s’il a observé l’ébullition d’une boisson dans une bouilloire… Le corps qui préexistait en un certain lieu devra, parce qu’il est plus léger et plus apte au mouvement, céder la place au corps plus grossier qui s’y trouve engendré.

» Mais, en cédant sa place, il ne se dirigera ni dans la direction d’où vient le Soleil, ni dans la direction où il va ; dans ces directions là, en effet, la chaleur est trop grande, soit en vertu du cours présent du Soleil, soit en vertu du cours accompli hier ou avant-hier ; ce déplacement se produira donc à la surface de la dite zone [occupée par la mer], vers les deux pôles. »

Cette fuite, d’ailleurs, est déterminée par la chaleur ; si le corps qui se déplace doit, par cette fuite, trouver un remède [à la cause qui l’a chassé], il tendra là où ne se trouve point de chaleur ou, du moins, une faible chaleur. Or c’est près des pôles qu’on trouve de tels lieux ; ils sont, en effet, aussi éloignés que possible du chemin parcouru par le Soleil, en sorte qu’ils possèdent le froid maximum.

» Le froid, qui est le contraire du chaud, a pour rôle de rendre plus épais et de condenser. Autant donc la chaleur causée par la présence du Soleil a de fluide aqueux à volatiliser et à raréfier, autant le froid en a-t-il à rendre plus grossier et à condenser là où la force du Soleil fait défaut ; là donc, la partie la plus subtile de l’air devient d’abord air plus dense, puis vapeur, eau enfin, de la manière que nous allons indiquer. »

Tel est le rôle que notre auteur attribue à la chaleur solaire ; il rappelle celui que Guillaume d’Auvergne, qu’Albert le Grand, que Robert Grosse-Teste attribuaient moins judicieusement à la Lune ; de ce rôle dévolu au Soleil, notre auteur tirera tout à l’heure une inadmissible théorie de la marée ; mais tout ce qu’il a dit jusqu’ici est d’une Physique très sensée.