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LA THÉORIE DES MARÉES

seulement l’eau qui la touche immédiatement, mais encore l’eau qui se trouve très loin comme le montrent les rides circulaires produites autour de la place où la pierre est tombée ; de la même manière, la partie de la mer que le vent a agitée, agite la partie qui lui est voisine ; celle-ci en ébranle une autre, moins fort cependant que l’ébranlement précédent ; l’ébranlement se propage ainsi en s’affaiblissant sans cesse, jusqu’à ce qu’il s’achève dans le repos. Souvent, cependant, le vent, qui a été cause de cet ébranlement continue de s’étendre et de croître en force, en sorte que parfois, à l’aide de ces eaux qui étaient déjà ébranlées par lui, il engendre en mer une tempête. »

Les pêcheurs de nos côtes ont tous remarqué qu’à l’approche d’une tempête, la mer commence souvent à grossir avant que le vent se mette à souffler avec violence ; notre auteur, qui a recueilli cette observation, a su en rendre compte avec beaucoup de sens.

Sa critique des explications diverses du flux et du reflux de la mer qu’on avait données avant lui est donc, souvent, très juste et très pénétrante. « Laissant donc de côté les voies que les autres ont suivies et qui nous aideraient fort peu à la connaissance de ces effets, nous allons toucher quelques mots de l’explication à laquelle nous avons fait allusion dans ce qui précède. »

De cette explication, voici les parties essentielles :

« Sachons[1] qu’à la surface de la terre, il existe une zone, semblable à un cercle qui aurait une assez grande largeur ; cette zone est concave ; par ordre du Dieu très glorieux et sublime, les eaux qui, plus légères que la terre, auraient dû recouvrir la surface de celle-ci, se sont réunies dans cette fosse, afin que l’homme, que les autres animaux à la nature desquels il est contraire d’habiter dans l’eau, puissent vivre sur la terre découverte et y engendrer leurs semblables.

» Par rapport à notre habitation, à nous qui sommes à Paris (respectu nostre habitationis, qui sumus Parisius), cette zone passe par deux points, l’un à l’Orient et l’autre à l’Occident, et elle fait le tour de la Terre en passant par tous les points intermédiaires.

» Comme le Zodiaque, cette zone est un grand cercle ; elle a même sphère que le Zodiaque ; ses pôles sont autres que ceux du Zodiaque, bien que son centre soit le même ; cette zone et le Zodiaque se doivent donc toujours couper en deux points,

  1. Ms. cit., fol. 258, col. a et b.