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LA PLURALITÉ DES MONDES

qu’on vient de lire. Voici comment l’expose Albert de Saxe[1] :

« On demande… si cette tache qui se montre dans la Lune provient de la diversité des parties de la Lune ou bien si la cause en est extrinsèque à cet astre.

» On tente de prouver qu’elle ne provient pas de la diversité des parties de la Lune.

» En premier lieu, en effet, la Lune est un corps simple ; or les parties d’un corps simple, considérées sous un même rapport, sont toutes semblables entre elles ; cela est apparent dans l’eau, dans l’air et dans les autres corps simples.

» En second lieu, les parties du Soleil ou bien celles de toute autre étoile sont semblables et uniformes en rareté et densité ; il en est donc de même des parties de la Lune ; et, par conséquent, cette apparence de tache ne peut provenir de la diversité des parties de la Lune.

» Troisièmement, si elle avait une telle cause, c’est donc que diverses, parties de la Lune seraient plus rares et d’autres moins ; mais on prouve qu’il n’en est pas ainsi ; car, dans les éclipses de Soleil, les rayons du Soleil parviendraient jusqu’à nous en traversant les parties de la Lune qui sont les plus rares ; et cela est évidemment faux.

» Enfin, on prouve que cette apparence de tache provient d’une cause extrinsèque. Le corps même de la Lune est un corps lisse, bien poli et semblable à un miroir ; la terre, se trouvant en regard de la Lune, y engendre, comme dans un miroir, son image et ressemblance ; lors donc que nous regardons la Lune, nous y voyons la terre par réflexion, et de là cette apparence de tache.

» Au sujet de cette question, j’examinerai d’abord la question en elle-même, j’exposerai les diverses opinions qui ont été émises à son sujet, et je les réfuterai. En second lieu, j’exposerai l’opinion que je crois véritable.

» En premier lieu, il existait une opinion au gré de laquelle la tache qui apparaît dans la Lune avait pour cause une vapeur soulevée par la Lune même ; interposée entre l’astre et nous, cette vapeur nous obscurcissait certaines parties de la Lune. Le Commentateur ajoute que, selon certains, la Lune attirait à elle une telle vapeur pour s’en nourrir.

» D’autres disent que la Lune a un grand pouvoir sur les

  1. Alberti de Saxonia Op. laud., lib. II, quæst. XXIV (Quæst. XXII dans les éditions de Paris, 1516 et 1518.) : Utrum macula ilia quæ apparet in Luna causetur ex diversitate partium Lunæ vel ab aliquo extrinseco.