Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/429

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
426
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

En toute cette citation, nous reconnaissons la pensée de Buridan ; le dernier passage est même emprunté presque mot pour mot au philosophe de Béthune.

Faut-il étendre une théorie semblable aux étoiles, tant errantes que fixes ? Albert de Saxe ne professe pas à cet égard d’opinion catégorique. Il remarque que le Livre des éléments, qu’il attribue à Aristote, veut que toutes les étoiles tiennent, comme la Lune, leur’lumière du Soleil ; Avicenne, au contraire, et six raisons militent en sa faveur, veut qu’elles aient une lumière propre. « Bref, ajoute notre auteur, cette question : Les astres autres que le Soleil et la Lune tiennent-ils leur lumière du Soleil ? peut être regardée comme un problème neutre ; les raisons qu’on donne en faveur d’un parti sont aisées à réfuter comme’celles qu’ôn donne en faveur de l’autre. Donc, pour l’amour d’Aristote, prince des philosophes, je réfuterai les six objections déjà faites contre l’opinion d’Aristote, en faveur de l’opinion d’Avicenne, et, avec Aristote, j’admettrai que tous les astres autres que le Soleil et la Lune, qu’ils soient planètes ou étoiles fixes, tirent leur lumière du Soleil.

La première objection d’Avicenne est formulée en ces termes par Albert : « Selon qu’elles s’approchent ou s’éloignent du Soleil, les étoiles devraient prendre une figure en forme de croissant, comme la Lune ; et cette apparence se marquerait surtout en Vénus et en Mercure qui sont au-dessous du Soleil. » Avicenne ignorait, car la lunette seule l’a enseigné aux astronomes, que Vénus et Mercure ont, en effet, des phases comme la Lune ; Albertutius, qui ne l’ignorait pas moins, répond à cette objection : « Vénus et Mercure sont d’une telle transparence que la lumière du Soleil s’incorpore à ces astres et en imbibe toutes les parties, ce qui n’a pas lieu pour la Lune. »

C’est encore par la transparence de Vénus et de Mercure que notre auteur résout cette objection d’Avicenne : « Supposons que Vénus et Mercure, qui sont moins élevés que le Soleil, n’aient point de lumière propre, mais qu’ils tiennent leur lumière du Soleil ; lorsque Vénus ou Mercure s’interposent entre notre œil et le Soleil, ils devraient éclipser cet astre, comme fait la Lune ; et c’est ce qu’on ne voit pas. » C’est ce qu’on voit à l’aide d’une lunette, mais ce que l’œil nu n’avait jamais montré.

L’explication de la tache de la Lune se tire des considérations