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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

la Lune est immédiatement après son lever ou bien au milieu du ciel ; ils en donnent pour exemple l’ébullition de la soupe dans la marmite mise sur le feu, et la vapeur qui, se dégageant de la nourriture prise par l’animal, fait dormir celui-ci. Nous n’en dirons rien pour le moment. La première opinion fut celle d’Albumasar au second livre de son Majus introductorium in Astronomiam[1].

» Mais suivons la voie qui est commune aux deux écoles ; admettons que cette enflure est toujours dans la direction de la Lune, en quelque lieu que se trouve cet astre ; il en résulte que cette enflure fait le tour de la terre dans le temps même qu’emploie la Lune, par suite du mouvement du firmament, à parcourir son circuit. » Après avoir marqué d’une façon précise quelle est la durée de ce jour lunaire, l’auteur ajoute : « En ce même nombre d’heures, l’enflure de l’eau fait, d’une manière régulière, le tour entier de l’Océan.

» Si, cependant, la marée arrive irrégulièrement dans les mers entourées de terres (maria mediterranea) et dans les fleuves, en voici la raison : Le débordement des mers autres que l’Océan se produit lorsque ce gonflement de l’Océan se trouve dans la direction d’une certaine région [du ciel] ; cette enflure de l’Océan est toujours dans la direction de la Lune ; une partie de cette eau qui est soulevée dans l’Océan s’écoule, en vertu de la gravité naturelle de l’eau, vers les lieux et les lits voisins qui sont plus bas ; c’est alors qu’a lieu le flux des mers que les terres entourent. Lorsque la Lune s’éloigne de cette position, l’enflure de l’Océan s’éloigne avec elle ; au lieu de l’Océan où l’eau se trouvait auparavant, plus élevée qu’elle ne l’était dans les mers entourées de terre et dans les fleuves, elle devient, par le départ de cette intumescence, plus basse que le rivage ; alors, les eaux qui avaient débordé sur les rives de ces fleuves par suite du bas niveau de ces lieux, s’écoulent maintenant vers l’Océan en vertu de la même loi de la nature.

» Telle est, en général, la cause du flux et du reflux de l’Océan.

» La grande Mer Méditerranée qui s’étend de l’Ouest à l’Est et sépare l’Italie de l’Égypte et d’autres pays d’Afrique et d’Asie n’a pas de marée bien sensible ; la raison en est que l’Océan ne pénètre dans cette mer que par un étroit passage qui se trouve à l’Ouest, du côté de l’Espagne, et qu’on nomme le détroit de la mer.

1. Il n’est pas exact qu’Albumasar ait comparé l’action de la Lune sur la mer à l’action de l’aimant sur le fer.

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