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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

certain que tout grave, si grand soit-il, suivrait ce point avec une vitesse égale à celle de son déplacement, car ce point est le lieu universel des graves. » La place même qu’occupe cette réflexion nous montre que les tenants de cette opinion assimilaient cette marche du grave vers le centre en mouvement à la marche du fer vers un aimant qui se déplace.

Bien connue sans doute à l’École d’Oxford, cette opinion n’y était pas universellement admise. Jean de Dumbleton prend soin de la rejeter[1]. Il marque une profonde distinction entre le mouvement des graves vers le centre du Monde et le mouvement du fer vers l’aimant. « Ces corps-là, dit-il en parlant des graves, ne suivent pas ce vers quoi ils se meuvent, comme le fer suit l’aimant lorsque l’on meut ce dernier. Lors même que ce point qui est le centre du Monde se mouvrait, la terre ne le suivrait pas. »

Lorsqu’il émettait ou rapportait cette opinion, Maître Clay ne pouvait sans doute entrevoir la fortune à laquelle elle était appelée. Obligé de renoncer à la théorie aristotélicienne de la gravité, Copernic devait un jour concevoir, en chaque astre, un point qui se mût avec cet astre, il devait admettre que toutes les parties de cet astre tendaient constamment à ce point ; plus tard, alors que cette vue de Copernic était adoptée par un grand nombre de physiciens, Guillaume Gilbert devait assimiler cette tendance qui porte les parties d’un astre vers un point de cet astre à la tendance qui porte le fer vers l’aimant, il devait construire ainsi sa Philosophie aimantique, destinée à ravir les suffrages de François Bacon et d’Otto de Guericke ; or toute cette Philosophie aimantique était en germe dans la réflexion de Maître Clay.


VIII
LE RETOUR À LA THÉORIE PLATONICIENNE DE LA PESANTEUR.
NICOLE ORESME


Aristote avait établi une étroite relation entre son argumentation contre la pluralité des Mondes et sa théorie du lieu naturel. Il était donc difficile que cette dernière théorie ne se

  1. Johannis de Dumbleton Summa, Pars VI, cap. X. Bibl. Nat., ms. no 16.146 fol. 65, col. c.