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LA THÉORIE DES MARÉES

a donnée à Venise en 1506, Maurice du Port nous avertit, comme nous l’avons dit en un précédent chapitre[1], que cette question et tout ce qui la suit, jusqu’à la XXVe distinction inclusivement, est omis dans le Scriptum Oxoniense ; tout cela y a été ajouté après coup : « Ex reportatis omnia sunt addita, ut quibusdam placet. »

Le passage sur la théorie des marées dont nous allons dire quelques mots n’a donc pas été écrit par Duns Scot ; il est même douteux qu’il provienne de reportata, c’est-à-dire de rédactions de son enseignement oral ; en revanche, nous le pouvons, sans trop grande chance d’erreur, attribuer aux premiers disciples du Docteur subtil.

Voici donc ce qu’on fait dire à celui-ci[2] : « Les corps célestes ne causent pas seulement certains mouvements dans les éléments inférieurs [tels que le feu et l’air] qui en sont voisins ; ils en causent également dans des éléments plus éloignés, dans l’eau par exemple.

» La Lune, en effet, cause, en la mer, ce mouvement qu’on nomme le flux et le reflux ; c’est de là que les astrologues, instruits par l’expérience, tirent cette supposition : La Lune a domination sur les substances humides comme le Soleil a domination sur les choses sèches.

» En effet, lorsque la Lune s’élève au-dessus d’une région quelconque, la mer monte directement vers elle comme vers sa cause, de telle sorte qu’au lieu qui se trouve directement au-dessous du centre de la Lune, la mer est plus haute qu’en tout autre lieu. Ce lieu s’obtient à l’aide de la ligne menée du centre de la terre au centre 3 de la Lune ; cette ligne passera nécessairement par le lieu où l’eau présente la plus grande élévation ; ce lieu se nomme l’enflure (tumor) de la mer.

» Comment cette élévation est-elle effectivement produite par la Lune ? C’est une question à laquelle on donne diverses réponses. Les uns supposent que la Lune possède, pour attirer les eaux de la mer, une certaine vertu qui accompagne sa nature ; c’est ainsi que l’aimant attire le fer. Les autres disent que cela provient de la diversité des angles que les rayons lunaires font, avec la surface de l’eau sur laquelle ils tombent, selon que

1. Voir : Cinquième partie ; ch. XIII, § IX, t. VIII, p. 432.

2. Joannis Duns Scoti Scriptum Oxoniense, lib. II, dist. XIV, quæst. III, art. I.

3. Au lieu de : centrum, l’éd. de 1506 porte : orbem.

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