Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/39

Cette page n’a pas encore été corrigée
36
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

la mer ; elle y produit ainsi un flux qui dure jusqu’à ce qu’elle atteigne le milieu du ciel.

» Quand la Lune atteint le milieu du ciel, elle projette plus directement ses rayons sur la mer ; à cause de leur brièveté, ces rayons produisent un très fort échaufïement ; par là, la Lune sépare de l’eau une partie de cette exhalaison qui agitait la mer ou abandonne celle-ci[1] à sa nature ; de cette action, nous trouvons un signe dans le vent et dans l’odeur fétide qui l’accompagnent ; la mer reflue alors jusqu’à ce que la Lune atteigne le point de son coucher.

» À partir du moment où la Lune commence à se mouvoir au delà de ce point, le flux commence de nouveau sur l’hémisphère qu’elle quitte ; c’est un effet de la force des rayons de la Lune que le corps céleste réfléchit sur la même mer ; mais ce flux est plus faible que le précédent, parce que la force des rayons réfléchis est plus débile que celle des rayons incidents.

» Le flux de la mer est plus fort lorsque la Lune se trouve, à l’égard du Soleil, dans une forte situation (aspectus), telle que la conjonction et l’opposition, et aussi la quadrature, qui a lieu lorsque la Lune est séparée du Soleil par un quart de cercle. »

Il nous paraît probable que le texte d’où ce passage est traduit présente ici une lacune, et que Pierre d’Auvergne donnait la quadrature comme une cause d’affaiblissement du flux, non de plus grande force ; sinon, il eût introduit, dans son exposé, une erreur qu’aucun autre Scolastique n’a commise.

« Semblable action, poursuit notre auteur, est exercée par les autres étoiles, fixes ou errantes, qui sont aptes à fortifier la vertu qu’a la Lune pour produire cet effet ; il en est encore de même du signe dans lequel se trouve la Lune.

» Ainsi la Lune, en dissociant la mer et en y déterminant une sorte d’ébullition, est la cause du flux ; en la séparant [de la vapeur engendrée] ou bien en cessant de l’échauffer, elle est cause du reflux. »

Dans les Questions de Jean de Duns Scot sur les Sentences de Pierre Lombard, un passage assez étendu est consacré à la théorie des marées ; ce passage se trouve en la XIVe distinction du second livre ; il forme le premier article de la troisième question. Mais dans la belle édition du Scriptum Oxoniense qu’il

1. Au lieu de : eum (mare), le texte porte : eam.

  1. 1