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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

nouveau Ciel ne peut donc être fait par les voies de la nature.

» Pas davantage ne peut être fait un élément d’espèce nouvelle ou un élément qui, pris dans sa totalité, serait nouveau. S’il y a innovation d’un élément, c’est toujours d’une manière partielle ; tel élément se détruit en partie et tel autre élément est partiellement engendré. Mais qu’un élément soit engendré en totalité ou détruit en totalité ; ou bien encore qu’un élément soit produit qui n’aurait jamais existé, qu’un élément, qu’un corps soit fait qui ne serait ni feu, ni air, ni eau, ni terre, cela n’est pas possible. Pris en leur totalité, les éléments ne sont pas capables de génération ni de destruction…

» Ainsi, par les voies de la nature, il n’a jamais été possible qu’un nouvel élément fût engendré ; il n’est pas possible qu’il y ait eu seulement autrefois trois éléments ou moins encore ; en leurs parties, les éléments sont susceptibles de génération et de corruption ; ils ne le sont pas en totalité. Par la vertu divine, il pourrait bien se faire qu’un élément fût, en totalité, changé en un autre élément, ou qu’il fût engendré aux dépens des autres éléments ; mais non pas selon le cours de la nature. »

Gilles de Rome n’argumente donc qu’au sujet de ce qui se peut ou ne se peut pas produire selon le cours de la nature ; il n’entend pas que ses arguments imposent une borne au souverain pouvoir de Dieu.


III
GUILLAUME VARON. JEAN DE BASSOLS.
THOMAS DE STRASBOURG


Le décret de 1277 marque donc un renversement complet dans l’opinion des maîtres parisiens touchant la pluralité des Mondes. Avant ce décret, ils accumulent les raisons tirées de la Physique péripatéticienne afin d’établir que l’existence de plusieurs mondes est une impossibilité ; ils refusent donc à Dieu le pouvoir de multiplier les mondes ; ils s’efforcent de prouver que ce refus n’est pas une limitation de la toute-puissance créatrice. Après ce même décret, tous les théologiens tiennent pour certain que Dieu pourrait, s’il le voulait, créer des mondes multiples ; ils s’appliquent soit à ruiner les raisons de Physique