différents. S’il les faisait entièrement semblables à celui-ci, il ferait œuvre vaine, ce qui ne convient pas à sa sagesse. S’il les faisait dissemblables, c’est qu’alors aucun d’entre eux ne comprendrait en lui-même la totalité de la nature du corps sensible ; aucun d’eux ne serait parfait, et c’est seulement leur ensemble qui constituerait un monde unique et parfait.
» Un second argument est celui-ci : Plus une chose est noble, plus son espèce a de puissance pour se réaliser ; or le monde est de plus noble espèce qu’aucun des êtres naturels qu’il renferme ; si donc l’espèce d’un tel être, celle, par exemple, du cheval ou du bœuf, est capable de parfaire plusieurs individus, a fortiori l’espèce de l’Univers peut-elle parfaire plusieurs individus. — À cela nous répondrons qu’il faut plus grande puissance pour produire un seul individu parfait que pour produire un grand nombre d’individus imparfaits ; aucun de ceux-ci ne comprend en lui-même tout ce qui convient à son espèce ; le Monde, au contraire, possède cette sorte de perfection ; cela suffit à manifester que son espèce est plus puissante que toutes les autres.
» On peut, en troisième lieu, faire cette objection : Il vaut mieux multiplier les meilleures choses que les choses moins bonnes ; il vaut donc mieux créer plusieurs mondes que plusieurs animaux ou plusieurs plantes. — À quoi nous répondrons : Il importe à la bonté du Monde qu’il soit unique ; l’unité est la raison même de sa bonté ; nous voyons, en effet, que la division suffit à faire déchoir certaines choses de la bonté qui leur est propre. »
La question de la pluralité des Mondes, tout comme nombre d’autres problèmes, semblait mettre en opposition les impossibilités décrétées par la Physique péripatéticienne et la toute-puissance créatrice que le christianisme reconnaît à Dieu. Michel Scot, Guillaume d’Auvergne, Roger Bacon, Saint Thomas d’Aquin avaient tenté de prouver, par des voies diverses, que cette limitation de pouvoir n’est qu’apparente, que l’impuis-