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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

de l’Averroïsme[1]. Le passage que nous venons d’analyser n’est pas de nature à faire réformer ce jugement. Ce Dieu de Michel Scot dont la puissance créatrice trouve, devant elle, une nature déjà déterminée qui lui oppose une borne et lui impose des conditions ; ce Dieu qui ne peut mettre ses volontés à exécution, sinon dans la limite où cette nature est apte à subir son opération, c’est bien plutôt le Dieu d’Averroès que le Dieu des chrétiens.

Le problème de la pluralité des Mondes est maintenant lié à un autre problème que la philosophie hellénique ne soupçonnait même pas, au problème de la toute-puissance créatrice de Dieu ; c’est au nom de cette toute-puissance que la Scolastique chrétienne bouleversera la solution que le Péripatétisme avait donné de ce problème.

Guillaume d’Auvergne, comme Michel Scot, trouve dans l’impossibilité du vide, un argument péremptoire contre l’existence de mondes multiples ; nous avons précédemment rapporté[2] la forme sous laquelle il le présente. Mais à l’encontre de la pluralité des Mondes, il invoque également d’autres preuves que nous allons sommairement analyser.

Tout d’abord, à l’objection tirée de l’impossibilité du vide, on pourrait proposer une échappatoire[3]. Elle consisterait à supposer qu’au-delà de la sphère qui borne notre Monde, un autre monde s’étend, entourant le nôtre de toutes parts ; ce second monde aurait pour enceinte une sphère extrêmement éloignée de celle qui encercle le nôtre. « Mais alors comme la Sphère ultime de ce monde-là enveloppe et contient, à la fois, les Cieux de ce second monde et, nos propres Cieux, ceux qui se manifestent à nos sens, il est clair que cette sphère, avec tout ce qui se trouve enveloppé par elle, forme un monde unique, contenant en lui toutes choses. »

À l’encontre de cette thèse : Le monde est unique, on peut soulever bien des difficultés, celle-ci par exemple[4] : Un monde unique ne suffirait pas à contenir toutes les choses qui existent. Mais, riposte Guillaume, ou bien l’on suppose que Dieu a créé

1. Ernest Renan, Averroès et I’Averroïsme, essai historique ; Paris, 1852, p.165.

2. Voir : Cinquième partie, ch. VIII, § III, t. VIII, p. 28-35.

3. Guillelmi Partsiensis De Unlverso ; primas partis principal !» para I, cap. XIV (Guillelmi Pahisiensis Opéra, vol. Il, fol. xcviij, col. c ; éd. 1674).

4. Guillelmi Pahisiensis Op laud., pars cit., cap. XV ; éd. 1516, foi. c, col. a ; éd. 1674.

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