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LA ROTATION DE LA TERRE

terre, au contraire, outre le mouvement de rotation autour du centre du Monde, auraient une tendance à se mouvoir en droite ligne vers ce centre. Pour que cette tendance ne fût point, à l’égard du mouvement de rotation, cause d’affaiblissement et de destruction, il faudrait que cette tendance et le mouvement fussent, tous deux à la fois, conformes à la nature de la terre ; il faudrait, en d’autres termes, qu’un même corps simple pût posséder, à la fois, deux mouvements naturels. Admettre une telle proposition, c’est rejeter une des doctrines essentielles du Περὶ Οὐρανοῦ. Nous verrons qu’Oresme a eu cette audace ; plus timide, Buridan ne l’a pas suivi jusque-là.

Revenons aux raisons probables de Buridan. « En second lieu, dit-il, le mouvement circulaire est le premier des mouvements ; il le faut donc surtout attribuer aux premiers corps ; or les premiers corps, ce sont les corps célestes, et non point la terre. »

À ces deux raisons se réduisent ce que le physicien de Béthune invoque pour rendre vraisemblable le repos de la terre ; il y joint des réponses aux « persuasions » qu’Oresme avait exposées.

« À la première de ces persuasions, écrit-il, on doit accorder que la terre a besoin des influences célestes ; mais, pour la satisfaction de ce besoin, il suffit qu’elle se comporte d’une manière passive ; il n’est pas requis qu’elle se meuve de mouvement local ; c’est, au contraire, le Ciel qui se meut en vue d’exercer son influence sur la terre ; en effet, il est dans la nature d’un être parfait de donner la perfection aux autres êtres, bien qu’il ne doive rien recevoir.

» Au sujet de la seconde, nous accordont bien que pour certaines substances, pour celles qui sont séparées de la matière, la plus noble manière d’être, c’est de se trouver, sans aucun changement, dans la perfection de leur état. Toutefois, il est raisonnable que ces substances meuvent les autres êtres, afin de leur donner la perfection ; et il est raisonnable qu’elles meuvent tout d’abord les premiers corps, en tant qu’ils sont premiers. Partant, pour le Ciel, il ne serait pas noble d’être privé de mouvement ; c’est par l’intermédiaire du mouvement, en effet, que les causes premières lui confèrent sa perfection. » La troisième persuasion dit : Il est plus parfait de rester en repos que d’être en mouvement. J’accorde qu’il en est ainsi pour les corps qui se meuvent en vue d’atteindre leurs lieux naturels. Mais pour les corps qui résident sans cesse en leurs lieux naturels, dont le mouvement n’a pas pour objet d’acquérir