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LA ROTATION DE LA TERRE

Buridan accorde donc pleinement à Nicole Oresme qu’aucune raison tirée des observations astronomiques ne saurait conclure ni pour ni contre le mouvement de la terre.

Il poursuit en ces termes :

« En outre, ceux qui, peut-être pour le plaisir de la discussion (gratia disputationis), veulent soutenir cette opinion, exposent en sa faveur, remarquons-le, quelques persuasions.

» Voici la première : Le Ciel n’a nul besoin de la terre ni des choses d’ici-bas en vue d’acquérir quelque bien ; c’est la terre, au contraire, qui éprouve le besoin d’acquérir les influences émanées du Ciel. Or, que ce qui est dans le besoin se meuve pour acquérir ce qui lui manque, c’est chose plus raisonnable que de supposer le mouvement de ce qui n’a aucun besoin.

» La seconde persuasion est la suivante : Aristote dit : Ce qui est dans un état parfait n’a pas besoin d’agir et ce qui se trouve dans un état presque parfait n’a besoin d’agir que très peu. Or les corps célestes sont beaucoup plus nobles que la terre, ils sont en bien meilleur état ; et, parmi les corps célestes, la sphère suprême se trouve en un état parfait ; il semble donc que la sphère suprême n’ait aucun besoin de se mouvoir, qu’un faible mouvement suffise à la sphère de Saturne et ainsi de suite, jusqu’à la Lune qui requiert un mouvement considérable, jusqu’à la terre qui demande le plus rapide de tous.

» Troisième persuasion : Au corps céleste et, surtout, à la sphère suprême, on doit attribuer de plus nobles conditions [qu’aux choses d’ici-bas] ; or le repos est condition plus noble que le mouvement ; la sphère suprême doit donc demeurer en repos. De la mineure, voici la preuve : Si un grave tombe, ce n’est pas à seule fin de se mouvoir ; c’est pour parvenir à son lieu naturel ; lorsqu’il s’y trouve, il y demeure ; le repos est donc la fin du mouvement, et la fin est plus noble [que ce qui y conduit]. Ce raisonnement est encore confirmé par cette remarque : Dans le repos naturel qu’un grave garde lorsqu’il est au bas de sa course, rien n’est contre nature, comme le dit le Commentateur au quatrième livre des Physiques ; mais dans la chute de ce même grave, il y a toujours quelque chose qui n’est point naturel ; toujours, en effet, il demeure quelque chose du lieu haut placé, et c’est pour rejeter ce quelque chose que le grave se meut ; aussi peut-on dire purement et simplement qu’il y a, pour le grave, plus de perfection à demeurer en repos au bas de sa course qu’il n’y en a à tomber.

» Voici la quatrième persuasion : Toute révolution s’accom¬