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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

C’est aussi de la même manière que les rayons de la lumière lunaire produisent cette ébullition de la mer qui constitue le flux[1].

« Lorsque la Lune se lève sur la mer d’un certain lieu, ses rayons sont plus longs ; les pyramides que forment ces rayons sont moins droites, elles tombent plus obliquement, elles se réfléchissent moins et se réfractent davantage ; en un mot, elles sont plus débiles qu’à l’heure où la Lune monte au milieu du ciel. Alors les rayons ont des lignes plus courtes ; leurs pyramides sont plus droites, elles tombent davantage à angles égaux, elles sont plus perpendiculaires, elles se réfléchissent davantage et se réfractent moins, comme le voit quiconque en prend la peine ; elles opèrent donc avec plus de force. »

Cette Géométrie et cette Optique également médiocres ont pour but de justifier ce qui suit :

« Lorsque la Lune se lève, ses rayons sont faibles ; tout ce qu’ils peuvent faire, c’est d’amener au fond de la terre et de l’eau un dégagement de vapeurs et d’élever ces vapeurs au sein de la masse de la mer ; mais ils ne peuvent ni consommer ses vapeurs ni les dégager complètement à l’air ; ces vapeurs chassent alors les eaux de la mer de la place qu’elles occupent, car ce sont des corps, et elles ne peuvent coexister en un même lieu avec d’autres parties corporelles ; elles engendrent alors, dans la masse de la mer, des bulles et des bouillons (tumores) ; la mer est alors en flux.

» Mais lorsque la Lune monte vers le milieu du ciel, la force de ces rayons lui permet de consommer ces vapeurs qui se sont formées au sein de l’eau, de les élever jusqu’au contact de l’air et d’en déterminer le dégagement. Lorsqu’elle atteint le méridien, elle a complètement consommé et extrait ces vapeurs ; la cause cessant d’agir, l’effet, lui aussi, prend fin, et les eaux de la mer reviennent à leur lieu naturel, afin qu’il ne se produise pas d’espace vide.

» Lorsqu’il y a flux dans un des quartiers du Monde, il y a également flux dans le quartier opposé. »

Bien des gens se sont efforcés de rendre raison de cette proposition difficile en disant que les quartiers opposés du Monde sont de même composition et produisent, par conséquent, les mêmes effets. Mais cette raison est défectueuse. D’abord, elle

1. Roberti Linconiensis Tractatus de natura locorum (Roberti Linconiensis Opuscula, éd. cit., fol. 11, col. e).

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