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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Sachez donc que beaucoup ont tenu pour probable l’opinion suivante : Que la terre se meuve comme il vient d’être dit, cela ne contredit pas aux apparences ; si l’on marque une partie quelconque de la terre, en chaque jour naturel, cette partie accomplirait une révolution qui partirait de l’Occident pour aller à l’Orient et revenir ensuite à l’Occident ; il faudrait alors admettre que la sphère des étoiles fixes demeure en repos. C’est par ce mouvement de la terre que se feraient, pour nous, le jour et la nuit, en sorte que ce mouvement de la terre serait le mouvement diurne.

» On en donne un exemple célèbre. Un homme se trouve dans un navire en mouvement ; il s’imagine demeurer en repos ; en même temps, il voit un autre navire qui, lui, est vraiment en repos ; il lui semblera que cet autre navire est en mouvement ; que son propre navire, en effet, soit en repos et que l’autre navire soit en mouvement, ou qu’il en soit au contraire, son œil se comportera exactement de la même manière à l’égard de l’autre navire. Admettons, dès lors, que la sphère du Soleil soit absolument immobile et que la terre nous emporte en son mouvement de rotation alors que nous nous croyons immobiles ; tout comme l’homme placé dans un navire entraîné par un mouvement rapide ne sent ni son mouvement ni celui du navire ; il est bien certain que, pour nous, le Soleil se lèverait, puis se coucherait, tout comme il le fait alors que c’est lui qui se meut et nous qui demeurons en repos.

» Toutefois, il est vrai que si cette sphère des étoiles fixes est en repos, il faut absolument accorder que les sphères des astres errants sont en mouvement ; autrement, les situations relatives des astres errants les uns à l’égard des autres ainsi qu’à l’égard des étoiles fixes n’éprouveraient aucun changement. Selon cette opinion, donc, on imagine que chacune des sphères des astres errants se meut comme la terre, c’est-à-dire de l’Occident vers l’Orient ; mais comme la terre est de moindre circonférence, elle accomplit sa révolution en moins de temps ; la Lune vient ensuite, qui accomplit sa révolution en moins de temps que le Soleil, et ainsi de suite ; en sorte que la terre accomplit sa révolution en un jour sidéral, la Lune en un mois, le Soleil en un an. Il n’y a point de doute que si les choses se passaient comme le suppose cette opinion, tout, au Ciel, nous apparaîtrait comme il nous apparaît maintenant. »