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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

continuellement que la partie où nous sommes reposast et que l’autre feust tousjours meue ; auxi comme il semble à un homme qui est en une naif meue que les arbres dehors sont meus.

Et semblablement, si un homme estoit au Ciel, posé qu’il soit meu de movement journal, et que cest homme qui est porté ouvecques le Ciel veoit cleirement la Terre et distinctement les mons, les vauls, fleuves, villes et chastiaux, il lui sembleroit que la Terre feust meue de mouvement journal, auxi comme il semble du Ciel à nous qui sommes à Terre.

Et semblablement si la Terre estoit meue de mouvement journal et le Ciel non, il nous sembleroit que la Terre reposast et que le Ciel feust meu ; et ce peut ymaginer légièrement chascun qui a bon entendement.

Et par ce appert cleirement la responce de la première expérience, car l’on diroit que le Solail et les estoilles appairent auxi couscher et lever et le Ciel tourner pour le mouvement de la Terre et des ellémens où nous habitons.

À la secunde, appert la responce par ce que, selon ceste oppinion, la Terre seulement n’est pas auxi meue, mes ouvecques ce, l’eaue et l’aer, comme dit est ; quant combien que l’eaue et l’aer de cy bas soient meus autrement par les vens ou par les autres causes ; et est semblable comme si en une naif meue, estoit aer enclos ; il sembleroit à celuy qui seroit en tel aer que il ne se meust.

À la tierce expérience, qui semble plus forte, de la saecte ou pierre jetée en haut etc., l’on diroit que la saecte traicte en haut, ouvecques ce trait, est meue vers orient très isnelment ouvecques l’aer par my lequel elle passe et ouvecques toute la masse de la basse partie du Monde devant signée qui est meue de mouvement journal ; et pour ce la saecte rechiet au lieu de terre dont elle est parti.

Et telle chouse appert possible par semblable ; car, si un homme estoit en une naif meue vers orient très isnelment sans ce qu’il apperceust ce mouvement, et il tiroit sa main en descendant et en descrissant une droicte ligne contre le maast de la naif, il lui sembleroit que sa main ne feust meue fors de mouvement droit ; et ainsi, selon ceste oppinion, nous semble de la saecte qui descent ou monte droit en bas ou en haut.

Item, dedans la naif ainsi meue comme dit est, peuvent estre mouvemens du lonc, du travers, en haut, en bas, en toutes manières, et semblent estre du tout comme si la naif reposast, et pour ce, si un homme eu telle naif alloit vers occident moins