Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/329

Cette page n’a pas encore été corrigée
326
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

la terre, sauver les Oppositions et les conjonctions des planètes, ainsi que les éclipses du Soleil et de la Lune. Mon maître, il est vrai, ne pose ni ne résout cette objection, bien qu’il pose et résolve plusieurs autres arguments par lesquels on persuade que la terre est en repos et que la terre se meut. — Circa tamen istam quæstionem vel conclusionem est advertendum quod unus de magistris meis videtur velle quod non sit demonstrabile quin possit salvari terram moveri et cælum quiescere. Sed apparet mihi, sua reverentia salva, quod imo, et hoc per talem rationem : Nam nullo modo per motum terræ et quietem cæli possemus salvare oppositiones et conjunctiones planetarum, nec eclipses Solis et Lunæ. Verum est quod istam rationem non ponit nec solvit, licet plures alias persuasiones quibus persuadetur terram quiescere et cælum moveri ponat et solvat. »

Les Questions sur les livres du Ciel et du Monde ont été, nous le savons[1], écrites par Albert de Saxe en 1368. À ce moment, donc, il se trouvait à l’Université de Paris un maître, dont Albert avait été l’élève, qui tenait pour défendable l’hypothèse de l’immobilité du Ciel et de la rotation de la terre.

À ce maître, à ceux qui professaient la même opinion, on avait accoutumé de faire cette objection, parfaitement fondée : Si l’on supposait que le Ciel tout entier fût immobile, la rotation de la terre ne suffirait pas à sauver les mouvements divers des astres errants.

Que cette difficulté, soulevée par Albert de Saxe, fût fréquemment invoquée au xive siècle, nous en trouvons la preuve dans les Quæstiones super libris metheororum de Nicole Oresme, que M. H. Suter a décrites et résumées d’après un manuscrit de la bibliothèque de Saint-Gall[2].

La quatrième question du troisième livre de cet ouvrage est la suivante : « Le mouvement de la terre est-il possible ? — Utrum motus terræ sit possibilis. »

« Certaines personnes, dit Oresme, imaginaient que la terre se mût d’un mouvement de rotation diurne et que le ciel demeurât en repos ; par cette supposition, ils sauvaient ce qui se montre dans le Ciel, par exemple le lever et le coucher du Soleil… Mais ce n’est pas de ce mouvement de la terre qu’a l’intention de traiter la question proposée ; et, d’ailleurs, l’opi¬

1. Voir : Cinquième partie ; ch. X, § VII, t. VIII, p. 219.

2. Heinrich Suter, Eine bis jetzt unbekannte Schrift der Nic. Oresme (Zeitschrift für Mathematick and Physik, XXVII Jahrgang, 1882. Historisch-literarische) Abtheilung, p. 121).

  1. 1
  2. 2