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LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE

se morcèlera en icebergs, en îlots de glace qui dériveront vers le Sud et viendront se souder en une nouvelle calotte glaciaire entourant le pôle austral. Si la surface sphérique de l’Océan et le noyau solide de la terre n’éprouvaient, l’un par rapport à l’autre aucun déplacement, le centre de gravité de tout le système terrestre ne coïnciderait plus avec le centre de la sphère aqueuse ; il se trouverait maintenant au sud de celui-ci ; en sorte que F Océan ne serait plus en équilibre ; il devra donc se produire un changement dans la position relative du noyau solide et de la surface des mers ; ce déplacement relatif, destiné à maintenir la coïncidence entre le centre de gravité du système entier et le centre de la sphère océanienne consistera en ceci que, par rapport à ce dernier centre, le noyau solide devra s’élever vers le Nord. Ainsi le passage d’une calotte glaciaire du pôle boréal au pôle austral déterminera un changement de niveau de l’Océan ; des terres nouvelles émergeront dans l’hémisphère boréal ; dans l’hémisphère austral, des continents se trouveront submergés.

C’est précisément ce qu’eût enseigné Buridan.

Albert de Saxe, lui aussi, retrouverait parfois un souvenir de ses leçons dans les enseignements des géologues modernes, car nombre d’entre eux pensent que de tels déplacements de glace ont pu être provoqués par le mouvement de l’apogée solaire passant de l’hémisphère austral à l’hémisphère boréal et inversement.

Ainsi la tentative de Géologie mécanique à laquelle s’étaient consacrés Jean Buridan et ses disciples fut parfois récompensée par une heureuse intuition de ce que nous regardons aujourd’hui comme la vérité.