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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

comment ils démontrent leur opinion monstrueuse (suum monstrum) sur les fluctuations de la terre : Le centre de gravité de la terre entière doit demeurer au centre de l’Univers ; or ce centre de gravité change au sein du globe terrestre toutes les fois qu’un poids, si petit soit-il, est déplacé à la surface de la terre ; la terre doit donc, elle aussi, se mouvoir afin que le point qui est devenu le nouveau centre de gravité de la terre, descende au centre de l’Univers, et que la terre soit en son lieu propre ; le lieu de la terre, en effet, c’est d’avoir son centre de gravité au centre de l’Univers. Toutes les fois donc qu’un corps, si petit soit-il, est mû à la surface de la terre, la terre entière se meut et branle.

» Il leur semble qu’ils ont, par cet argument, démontré l’étrange mouvement (portentosum motum) de la terre, et la fluctuation perpétuelle que lui fait éprouver même la marche d’un oiseau. »

Quelle réponse Cabéi fait-il aux tenants de cette opinion ?

« Je nie, dit-il, que la force ou la tendance de la terre ait pour objet d’en placer le centre de gravité au centre de l’Univers ; en effet, ce n’est pas un liett mathématique qu’elle cherche, mais un lieu physique ; la terre est donc au centre non point mathématiquement, mais physiquement… Elle est physiquement au milieu au point de vue fin pour laquelle elle s’y doit trouver, et qui consiste à recevoir également de toutes parts l’action du Ciel ; pour cela, il est sans importance qu’au point de vue mathématique, elle s’élève davantage d’un côté que de l’autre ; ce n’est pas, en effet, la distance mathématique qui a rapport à l’action, mais la distance physique. »

Ce langage n’est pas fort éloigné de celui que Jean Buridan avait tenu dans ses Questions sur la Physique d’Aristote.

Les violentes attaques de Cabei piquèrent au vif Paul Guldin. Dans le grand traité sur les centres de gravité qu’il publia en 1635 sous le titre de Centrobaryca, il s’attacha à défendre[1] « ce mouvement solennel, découlant du changement du centre de gravité, qui fait trembler la terre. — Solennis ille motus quo terra trepidat, ex mutato centro gravitatis profluens. » Dans ce but, il reproduisit, dans son ouvrage, sa Dissertation physico-mathé-

  1. Centrobaryca Guldtni. Pauli Guldini Sancto-Gallensis e Societaie Jesu, De Centro Gravitatis Trium specierum Quantitatis continuæ Liber primus, de Centri Gravitatis Inventione… Viennæ Austriæ, Formis Gregorii Gelbhaar Typographi Cæsarei. Anno MDCCXXXV. Lectori S.