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LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE

ce que le centre [de gravité] du corps mû soit le même que le centre de l’Univers. »

« Les documents que les Anciens nous ont laissés, poursuivait notre auteur, nous montrent que certaines parties étendues de la Terre, autrefois habitées, sont aujourd’hui recouvertes par une mer profonde ; les ruines de certaines villes se sont accumulées jusqu’à former des monts ; les tremblements de terre ont transformé de vastes plaines en vallées ; des montagnes ont été creusées, divisées, déplacées… ; il est donc certain que la terre qui doit, selon l’enseignement d’Aristote, demeurer en équilibre de toutes parts, a souvent changé de centre et, souvent aussi, s’est mue pour retrouver son équilibre. »

Guldin reçoit les hypothèses de Buridan ; il connaît l’objection que formulait déjà Nicole Oresme : « Certains prétendent que la Terre ne descendra pas pour conjoindre son nouveau centre de gravité au centre de l’Univers, parce que, grâce à l’immense étendue de sa surface, elle en est empêchée par l’air. » Ainsi, thèse et objection se heurtaient encore près de trois siècles après qu’elles avaient été formulées. Peu d’années après que Guldin eût publié sa dissertation, on en vit la doctrine attaquée, avec une extrême vivacité, par le Jésuite Niccolè Cabei de Ferrare.

Dans sa Philosophie magnétique qui eut, au xviie siècle, une vogue très grande et souvent justifiée, Cabei s’en prenait[1] à ceux qui se font gloire d’avoir, en la terre, découvert une perpétuelle fluctuation.

» Ceux-ci prétendent, en effet, que la seule force qui maintienne la terre en repos, que la seule raison qui la mette en équilibre et la retienne au centre de l’Univers, c’est que son centre de gravité doit occuper le centre du Monde entier. Des propos des philosophes, ils tirent cette supposition communément reçue : Les graves tendent au centre de l’Univers, en ce sens que chacun d’eux tend à placer son centre au centre de l’Univers ; la terre, qui est le plus lourd de tous les corps, tend plus que tout autre à ce but et elle l’atteint. Cela posé, voici

1. Philosophia magnetica in qua Magnetis nalura penitus explicatur^ et omnium quæ hoc lapide cernuntur causse proprlæ afferuntur : nova etiarn pyxis consiruitur, quæ propriam poli elevationcm, cum suo meridiano, ubique demonslrat. Auctore Nicolao Cabeo Ferrariensi. Soc. Iesu. Ad Ludovicum XIII Galliarum et Nauarne Regem Chrisiianissimum. Ferrari®, apud Franciscum Succium superiorum permissu. 1629, Lib. I, cap. XVIII : Cur in toto terrestri globo sit hæc vis magnetica ; ut scillcet, formetur in suo situ melius, quarn sola gravitate, nec fluctuet ad motum cujus cunque rei gravis super terram ; pp. 66-71.

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