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LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE

« Il nous faut supposer, en premier lieu, que le centre de gravité de la terre se trouve constamment au centre du Monde. En second lieu, si l’on imaginait que la terre fût partagée en deux portions d’égale pesanteur par un plan contenant le centre du Monde, ces deux parties se comporteraient, l’une à l’égard de l’autre, comme deux poids en équilibre ; si l’on ajoutait un faible poids à l’une de ces parties, elle descendrait en repoussant l’autre. En troisième lieu, si la terre était partagée en deux parties d’égal volume, ces deux parties ne pèseraient pas également ; en effet, une partie de la terre est continuellement exposée au Soleil, en sorte qu’elle s’échauffe et s’allège par l’effet de la chaleur solaire ; l’autre partie, constamment submergée, est alourdie par le froid de l’eau ; la moitié de la terre dont la surface est émergée est donc moins lourde que l’autre. Enfin on admet que des parties détachées de la terre ferme sont, par les eaux, incessamment entraînées vers la mer ; on admet aussi que certaines parties de la terre, réduites en poussière par la sécheresse, sont transportées par les vents et, finalement, précipitées à la mer.

» Ces suppositions faites, on peut énoncer cette première conclusion : Chaque partie de la terre se meut continuellement d’un mouvement de translation. En effet, une moitié de la terre devient sans cesse plus lourde que l’autre ; dès lors, en vertu de nos deux premières suppositions, sans cesse la première moitié pousse la seconde. Il résulte de là que la partie de la terre qui est au centre à une certaine époque se trouvera à la surface à une autre époque.

» Mais, va-t-on m’objecter, si la terre se meut constamment d’un mouvement de translation dirigé vers le ciel, elle devrait déjà l’avoir atteint

» C’est à cause de cette objection que je formule une seconde conclusion, que je pose à titre de probabilité : À parler au sens catégorique, la terre, prise dans son ensemble, demeure au milieu du Monde sans être mue d’aucun mouvement de translation…

Cela est évident ; à tout instant, en effet, la terre, prise en sa totalité, demeure à la même distance du ciel ; elle ne se meut donc pas d’un mouvement de translation…

» De ce que chacune des parties de la terre est mue d’un mouvement de translation, il n’en résulte pas que la terre, prise en totalité, soit mue d’un tel mouvement… Qu’on fasse, par exemple, un empilement de dix pierres ; qu’on prenne la pierre supérieure et qu’on la mette sous la pierre inférieure en poussant