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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

l’existence des fossiles leur fût demeurée inconnue et qu’ils n’eussent pas vu le parti qu’en faveur de leurs doctrines, on en pouvait tirer.

Il est plus probable que cette existence était connue non seulement des maîtres, comme Buridan, Albert de Saxe, Thémon, mais aussi des étudiants qui s’asseyaient au pied de leurs chaires ; il était inutile de rappeler expressément ce que tout le monde savait. Des vers d’Ovide, Thémon retient ce qui parle d’une ancre et point ce qui a trait aux fossiles ; n’est-ce pas parce que ses élèves avaient maintes fois vu des coquilles dans les pierres qu’ils avaient sous les yeux, tandis qu’assurément, ils n’y avaient jamais rencontré d’ancre ?

L’allusion que Marsile d’Inghen, dans son Abrégé du livre des Physiques, fait à la théorie de Buridan est plus sommaire encore que le résumé donné par Thémon ; elle suffit cependant à nous montrer que l’auteur connaissait cette théorie.

À la proposition qui déclare la terre naturellement logée quand son centre de gravité est au centre du Monde, notre auteur prévoit cette objection[1] :

« La terre, alors, ne serait jamais en son lieu naturel… Supposon, en effet, que le centre de gravité de la terre soit le centre du Monde ; aussitôt, par suite de l’évaporation et de la raréfaction de la partie de la terre que les eaux ne couvrent pas, la gravité deviendra moindre d’un côté du centre [du Monde] que de l’autre ; il n’y aura donc aucun temps durant lequel le centre de gravité de la terre reste le centre du Monde. »

À cette objection, Marsile répond[2] :

« Continuellement, la terre est en son lieu naturel ; en effet, s’il est vrai que, sans cesse, une moitié s’allège de cette façon, la terre, d’autre part, se meut continuellement, faisant monter cette moitié que les eaux ne couvrent pas et faisant descendre l’autre. »

Nous achèverons cette revue des opinions professées par les principaux maîtres de l’Université de Paris en rapportant celle de Pierre d’Ailly ; elle est particulièrement nette.

Dans sa troisième question sur la Sphère de Johannes de Sacro-Bosco, l’Évêque de Cambrai s’exprime en ces termes[3] :

  1. Abbreviationes libri phisicorum edite aMarsilio Inguen, 2e fol. après le fol. sign d 3, col. c.
  2. Marsile d’Inghen, loc. cit., fol. suivant, col. b.
  3. Petri de Alliaco XIV qaæstiones in Sphæram. Quæst. III : Quæritur utrum motus primi mobilis ab oriente in occidentem circa terrain sit uniformis.