de la terre aient plus de cohésion que d’autres ; les parties qui ont peu de cohésion s’écoulent à la mer, entraînées par les fleuves ; pendant ce temps, les parties les plus cohérentes demeurent en place et forment éminence au-dessus du sol ; toutefois, à la longue, par tremblement de terre ou d’autre façon, les montagnes sont renversées, tombent et se détruisent. »
Mais cette destruction des montagnes par les eaux pluviales ne doit-elle pas, comme l’admettaient les anciens physiciens hellènes combattus par Théophraste, niveler peu à peu la terre ? Albert de Saxe connaît bien cette opinion ; il la formule en ces termes[1] : « Tout grave tend vers le bas ; il ne saurait se soutenir perpétuellement en haut ; la terre entière devrait donc être, dès maintenant, sphérique et, de toutes parts, recouverte par les eaux — Omne grave tendit deorsum nec perpetuo potest sic sursum sustineri ; quare jam totalis terra esset sphærica et undique aquis cooperta. »
Notre auteur n’admet pas cette opinion. « Mais, direz-vous, ne peut-on reprendre une précédente objection ? En même temps que les fleuves, des parties de la terre s’écoulent constamment vers la mer ; par là, la terre finira par être aussi voisine du ciel du côté où les eaux la couvrent que du côté découvert ; et lorsque cela aura lieu, elle sera entièrement couverte par les eaux.
» Nous répondrons que cela n’aura jamais lieu, et voici pourquoi : Quand les particules terrestres sont entraînées vers l’autre côté de la terre, cet autre côté devient plus lourd, et il pousse celui-ci vers le haut, comme nous l’avons expliqué dans une précédente question. Il en sera toujours ainsi, et cela grâce à la dissymétrie de la terre ; cette dissymétrie a été réglée par Dieu, de toute éternité, pour le salut des animaux et des plantes. »
Ces divers passages donnent un exposé sommaire, mais très clair, des principes sur lesquels repose la Géologie de Buridan.
Comme celui-ci, Albert de Saxe pense que les continents seront, au bout d’un temps extrêmement long, remplacés par des mers et inversement ; mais à cette permutation, il assigne une cause que Buridan n’avait pas invoquée. « Je crois, dit-il[2], qu’à cause du changement de l’apogée solaire (propter mutationem augis Solaris), cette partie de la terre qui est aujourd’hui