Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/313

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
310
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

d’importance, c’est le mouvement très lent que provoque l’érosion. Il en parle à plusieurs reprises et, en particulier, dans ses Questions sur le De Generatione et corruptione.

« La terre, dit-il[1], qui se trouve maintenant au centre du Monde, viendra quelque jour à la surface et au lieu de sa corruption. Nous devons imaginer, en effet, que certaines particules terrestres sont continuellement entraînées par les fleuves qui coulent vers la mer ; continuellement, donc, s’alourdit la terre qui est tournée vers l’autre côté du ciel, tandis que, de ce côté-ci, la terre s’allège ; le centre de gravité de la terre change donc constamment ; partant, ce qui était, à un certain moment, le centre de la terre se trouve continuellement poussé vers la surface, si bien qu’un jour cette partie de la terre sera à la surface de la terre. »

Albert écrit encore[2] :

« Il est bien vraisemblable que, sans cesse, quelque partie de la terre se meut d’un mouvement rectiligne ; on s’en peut convaincre par les raisons que voici :

» De cette partie de la terre élémentaire que les eaux ne couvrent pas, sans cesse de nombreuses masses terreuses sont, par les eaux, entraînées au fond de la mer ; ainsi, la terre s’accroît sans cesse du côté qui est couvert par les eaux, tandis qu’elle diminue du côté qui est découvert ; son centre de gravité ne demeure donc pas au même point ; aussitôt que le centre de gravité a changé de place, le nouveau centre de gravité se meut pour devenir centre du Monde ; quant au point qui était auparavant centre de gravité, il remonte vers la surface convexe que les eaux ne couvrent pas ; par cet écoulement et par ce mouvement continuels, la partie de la terre qui, à une certaine époque, se trouvait au centre, arrive à la surface, et inversement.

» À ce propos, on peut voir comment se sont formées les grandes montagnes. Il n’est pas douteux que certaines parties

  1. Egidius cum Marsilio et Alberto de generatione. — Commentaria fidelissimi expositoris D. Egidii Romani in libros de generatione et corruptione Aristotelis cum textu intercluso singulis locis. — Questiones item subtilissime eiusdem doctoris super primo libro de generatione : nunc quidem primum in publicum prodeuntes. — Questiones quoque clarissimi doctoris Marsilij Inguem in prefatos libros de generatione. — Item questiones subtilissime magistri Alberti de Saxonia in eosdem libros de gene. nusquam alias impresse. Omnia accuratissime revisa : atque castigata : ac quantum ars eniti potuit Fideliter impressa. Colophon : Impressuin venetijs mandate et expensis Nobilis viri Luceantonij de giunta florentini. Anno domini 1518 die 12 mensis Februarii. — Questiones de generatione et corruptione secundum Albertum de Saxonia ; lib. II, quæst. VI, fol. 150, col. d.
  2. Alberti de Saxonia. Quæstiones in libros de Cælo et mundo ; lib. II) quæst. XXV, (Quæst. XXIII dandésit les ions données à Paris, en 1516 et en 1518.,