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LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE

« … Mes ce n’est pas fort à respondre que : Considère comme une chouse pesante, auxi comme une pierre, seroit meue au milieu si elle n’avoit arrestement, car elle ne descendroit pas tant seulement tant que une partie d’elle touchast le centre ou le milieu, mes tant que le milieu d’elle fust ou milieu du Munde et que il eust autant de pesanteur d’une partie comme d’autre. Et semblablement seroit-il de toute la terre se adjoustement estoit fait d’un part et non d’autre. »

Voici maintenant la « glouse » que ce texte suggère à notre auteur[1] :

« Glouse. Si l’aer ne estoit, qui résiste au mouvement de la terre, si très petit de terre ou d’autre chose pesante ne porroit estre adjoustée ou engendrée d’une part de la terre plus que d’autre, qu’elle ne feust aucun petit meue, tant que le centre de[2] la pesanteur feust ou centre du Munde.

» Mes pource que l’aer résiste au movement de la terre, une petite addicion ne la peut faire movoir ; mes elle porroit bien estre si grande qu’elle seroit plus forte que la résistance de l’aer qui contient la terre, et lors, pour certain, la terre seroit meue tout ensemble tant que le milieu de sa pesanteur feust au centre du Munde. »

Que la résistance de l’air soit apte à s’opposer au déplacement lent de la masse terrestre imaginé par Buridan, c’est une supposition qui trouvera crédit auprès de nombre de docteurs ; Oresme, qui paraît l’avoir proposée le premier, mettait une borne à ce crédit.

Selon Buridan, la terre se déplace sans cesse dans un sens invariable, de la partie submergée vers la partie découverte. Cette opinion, à son tour, suggère des doutes à l’Évêque de Lisieux.

Voici d’abord en quels termes il l’expose[3] : « Et donques peut estre que la terre en aucun costé de elle soit corrumpue et apetissée, et l’autre costé ou partie soit creue ; et ainsi elle pèsera plus d’un costé que d’aultre ; et quant ce sera notablement, il convendra qu£ la masse toute de la terre se meuve tellement que le centre de la pesanteur de elle, lequel estoit hors du centre du Munde pour la mutation dessus dicte, viegne

  1. Nicole Oresme, loc. cit. ; ms. cit., fol. 93, col. c et d.
  2. Le texte porte : ou.
  3. Nicole Oresme Op. laud., livre I ; ou XXXVIe chapitre, il fait à son propos une autre raison plus espéciale et de science naturelle ; ms. cit., fol. 34, col. d, et fol. 35, col. a.