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LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE

au livre des Météores ; il pensait que les changements lentement éprouvés par la figure des continents et des océans sont régis par les longues périodes de certains phénomènes célestes. Pour lui, comme pour tous ses contemporains, la Géologie dépendait de F Astrologie.


XIII
LA GÉOLOGIE DE JEAN BURIDAN


Laissons passer un demi-siècle, et nous allons entendre à la Faculté des Arts de Paris un langage bien différent de celui que tenaient Henri de Bruxelles, Henri l’Allemand, Pierre d’Auvergne ; ce qu’on y enseignera, ce ne sera plus une Géologie astrologique, mais une Géologie mécanique ; c’est dans les Questions sur le traité des météores, composées par Jean Buridan, que nous allons trouver l’exposé complet de cette Géologie nouvelle.

L’exposé de cette Géologie occupe les deux dernières questions, la vingtième et la vingt et unième, parmi celles que l’auteur consacre au premier livre des Météores.

La vingtième question est ainsi formulée[1] : « La terre ferme fut-elle autrefois où la mer se trouve aujourd’hui et, inversement, là où la terre ferme est à présent, la mer a-t-elle été et y reviendra-t-elle ? »

Que les océans et les continents n’aient pu, au cours des âges, échanger leurs places, le Liber de elementis avait pensé le démontrer par un raisonnement qu’Albert le Grand avait soigneusement reproduit ; ce raisonnement, Jean Buridan l’expose à son tour.

« L’argument, dit-il, éprend pour principe que le Monde d’ici-bas est gouverné par le ciel, comme on l’a dit au commencement du livre ; si donc la mer venait un jour là où se trouve à présent notre habitation, cela proviendrait de quelque changement des corps célestes ; mais il apparaît que cela est impossible. »

La cause de ce lent déplacement de la mer ne pourrait, cela

  1. Questiones super tres primos libros metheororum et super majorem partem guarti a magistro Jo. Buridam. Queritur consequenter 20o de permutatione marium ad aridam et econverso. — Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 14.723, fol. 200, col. c, à fol. 202, col. b.