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LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE

La première des questions attribuées à ces auteurs[1] commence en ces termes : « Questio prima fuit de mineralibus et fuit utrum animalia possunt converti in lapides. » Donnons-en la traduction.

« La première question concernait les minéraux ; elle était ainsi formulée : Les animaux peuvent-ils être changés en pierre ?

» On prétend que non ; le bois, dit-on, ne peut être changé en pierre ; un animal, donc, ne le peut davantage.

» Avicenne et Albert soutiennent le contraire.

» À cette question, il faut répondre que les animaux peuvent être changés en pierre.

» Remarquez, à ce propos, ce que dit Avicenne et ce qui, d’ailleurs, est mis en évidence par le Philosophe au troisième livre des Météores ; la matière de la pierre est une substance terrestre conjointe avec une humeur aqueuse ; aussi Avicenne dit-il que la terre boueuse est la matière de la pierre ; quand donc la substance terrestre, qui est sèche, est mêlée avec la substance aqueuse, quand, de ce mélange, la chaleur est chassée par le froid, quand enfin ce froid condense la substance humide avec la substance sèche, des pierres se trouvent engendrées. Les pierres ainsi obtenues diffèrent les unes des autres selon les diverses façons d’agir du froid, et selon les diverses sortes de la substance sèche qui a été mêlée à la substance humide ; quand la substance sèche est fort opaque, la pierre engendrée est [opaque ; quand la substance sèche est claire, la pierre engendrée est également] claire[2].

» Par suite, nous devons dire que les animaux peuvent être convertis en pierre, et cela se fait par la vertu de la constellation qui règne sur eux. Remarquez, en effet, que chaque espèce animale possède une constellation qui lui est immédiatement assignée, et c’est par elle qu’il est fait comme dit Avicenne. Lors donc qu’en quelque endroit la vertu de cette constellation est grande, et qu’il règne un certain froid au lieu où gît un animal, la substance sèche qui se rencontre en lui, et qui est la matière de la pierre, est congelée et coagulée ; ainsi la nature ou matière d’un animal est parfois convertie en pierre. Aussi Avicenne dit-il, en ses Minéraux, qu’on trouve des figures d’animaux parfois à l’intérieur des pierres et, parfois, à l’extérieur ; c’est parce que les animaux eux-mêmes ont été changés en pierres.

  1. Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 16.089, fol. 54, col, a.
  2. Le texte est : Et quando siccum est multum oppacum, et tunc generatur lapis clarus. Il présente une omission évidente que nous avons corrigée dans la traduction.