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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

semblables à des coquilles se va maintenant répandre, particulièrement en Italie.

Non pas que tous les Italiens donnent désormais, dans cette doctrine insensée. Gecco d’Ascoli, Jean Boccace vont, tous deux, parler des fossiles, et tous deux y verront des débris d’êtres vivants[1]. Un passage assez obscur de l’Acerba reconnaît, dans des empreintes végétales dont les pierres sont marquées, la preuve que les montagnes mêmes ont été jadis submergées. La présence de coquilles aux flancs des montagnes démontre à Boccace la réalité des invasions marines dont la fable nous a gardé le souvenir. Mais au xve siècle, au xvie siècle, nous entendrons en Italie l’écho de l’enseignement formulé par Pierre d’Abano.

À cet enseignement, comparons celui que donnait l’Université de Paris au temps même où le Médecin padouan le formulait dans son Conciliator.


XII
LA GÉOLOGIE À LA FACULTÉ DES ARTS DE PARIS
VERS LA FIN DU XIIIe SIÈCLE


Les opinions géologiques de Ristoro d’Arezzo ne différaient guère de celles qui avaient cours, vers le même temps, à la Faculté des Arts de Paris ; ici aussi on s’instruisait en lisant le Traité des météores d’Aristote, les Problèmes du même auteur, que Pierre d’Abano venait d’apporter de Constantinople, le Livre des éléments faussement attribué au Stagirite, le De mineralibus d’Avicenne et surtout les divers ouvrages d’Albert le Grand ; on s’intéressait aux fossiles et à la façon dont ils avaient été pétrifiés ; on professait, enfin, comme le physicien d’Arezzo, et comme le médecin de Padoue, que tous les changements éprouvés par les continents et les mers sont déterminés par les circulations célestes.

Que la pétrification conservatrice des animaux et des plantes excitât la curiosité, nous en trouvons le témoignage dans les Quolibets qui nous sont donnés collectivement comme discutés par Henri de Bruxelles et par Henri l’Allemand[2].

  1. Ces propos de Cecco d’Ascoli et de Boccace sont cités dans : Mario Baratta, Leonardo da Vinci ed i Problemi della Terra ; Torino, 1903 ; pp. 223-228.
  2. Voir : Quatrième partie ; ch. VII, § Il ; t. VI, pp. 536-537.