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LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE

elle provient aussi d’une vertu céleste qui se combine avec cette vertu élémentaire. Parmi les preuves qu’on en peut donner, Pierre cite la suivante :

« En certaines pierres, on trouve des figures merveilleuses ; elles sont des témoins de la figure des corps célestes et non de la figure des corps d’ici-bas. C’est ce qu’on voit dans les pierres qu’on trouve à Vérone ; par leur forme et leur rondeur, elles ressemblent à des tortues ; en ces pierres, des étoiles sont figurées par cinq rayons qui s’étendent à égale distance à partir du centre ; la sculpture en est admirable au point qu’aucune intelligence humaine n’aurait assez d’art pour en construire de semblables. Avicenne[1], au quatrième livre des Météores, pense que ce sont des animaux qui ont vécu jadis et qu’une vertu minéralisante a changés en pierre. Ce qu’Aristote dit également à ce sujet paraît avoir fort peu de valeur, comme je l’ai montré en discutant les Problèmes de cet auteur. »

Que les pierres figurées à la ressemblance de coquilles et d’animaux marins soient vraiment les débris et les témoins d’êtres qui ont vécu jadis, dont les restes, au cours des temps, se sont changés en pierre, Avicenne n’était pas seul à le penser. Depuis Xanthus de Lydie, depuis Hérodote, l’opinion des observateurs était unanime sur ce point. Si des débats s’élevaient entre les auteurs, c’est seulement au sujet de la cause qui devait expliquer la présence de ces fossiles au lieu où on les rencontrait ; les animaux dont ils provenaient avaient-il vécu dans ces lieux mêmes que la mer recouvrait alors, ou bien quelque raz de marée les y avait-il charriés, puis délaissés ?

Voici que sur une vérité si claire et si communément reçue, l’Astrologie a jeté son voile de mensonge et de déraison. Pierre d’Abano, qui, dans son commentaire aux Problèmes d’Aristote, n’avait point dressé d’objection contre l’opinion d’Avicenne, rejette maintenant cette opinion. Près de Vérone, il a recueilli d’élégants fossiles ; au lieu d’y reconnaître des tests d’oursins qui vivaient en cet endroit lorsque la mer le recouvrait, il voit, dans l’étoile à cinq branches, que les plaques ambulacraires dessinent sur ces tests, la marque d’une influence céleste ; les astres ont ainsi moulé les pierres à leur ressemblance.

Cette explication astrologique de la formation de pierres

  1. Le texte que nous avons consulté (éd. Papiæ, per Gabrielem de Grassis, 1490, fol. sign. p. 3, col. a) porte seulement l’initiale A.