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LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE

ces éruptions à des causes astrologiques ; l’action des astres, qui détermine ces soulèvements de la croûte terrestre, constitue, d’ailleurs, cette nature universelle si souvent invoquée par les maîtres de l’École pour résoudre les problèmes embarrassants.

C’est cette nature universelle qui, dans le sein de la masse terrestre, creuse des cavités et des cavernes propres à recevoir les eaux. « Nous l’avons vu, dit Pierre d’Abano[1], on trouve, dans la terre, des cavernes et des goufres… Pour en donner l’explication, il faut savoir qu’il y a deux natures, la nature particulière et la nature universelle.

» La nature particulière a été attribuée à chaque être ; elle tend toujours à la conservation de cet être ; autant qu’il est en son pouvoir, elle empêche qu’il n’advienne, en cet être, quoi que ce soit qui lui porte détriment. En vertu de cette nature, la terre est un solide continu, exempt de toute cavité.

» Il y a aussi une nature universelle ; c’est la force des astres descendue dans les choses d’ici-bas (vis siderum in hæc inferiora delapsa) ; au sein des êtres dont la vertu la reçoit, cette force produit, à l’aide des rayons des étoiles, une certaine chaleur qui détermine l’exhalaison de l’élément humide et, par là, rend la terre poreuse ; elle y produit des cavités semblables à celles que nous voyons se former, par les temps chauds, à la surface du sol.

» Aussi, les gaz échauffés (calidum ventosum) distendent-ils tellement les parties de là terre que celles-ci se soulèvent en une sorte de tumeur ; cette tumeur se déchire enfin en projetant une poussière de cendres ; au second livre des Météores, il est dit que telle chose advint près de la ville d’Héraclée, de celle qui est dans le Pont, et dans l’île sacrée de Saturne ; là, l’éruption produisit le soulèvement d’une colline ; la ville de Lipari fût ensevelie sous les cendres, et les cendres arrivèrent jusqu’à certaines autres villes d’Italie. »

L’Italie, nous l’avons dit, fut, au cours du Moyen-Âge, la terre d’élection de l’Astrologie ; tout savant y était médecin et astrologue ; en particulier, Pierre d’Abano ne cesse de proclamer que tout, en ce bas monde, est gouverné par les forces célestes ; comme Ristoro d’Arezzo, c’est à l’intervention de ces forces qu’il demande en dernière analyse, la réponse à tous les pourquoi ?

  1. Petri Aponensis Op. laud., particula XXIII, problema V ; éd. cit., fol. 202, col. b.