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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

« Pourquoi, dit-il, certaines contrées sont-elles plates, comme la Lombardie et la Flandre, tandis que d’autres, comme l’Angleterre, la Toscane, la Gaule et l’Écosse, présentent des montagnes et des vallées ?

» Il faut répondre qu’au gré de certains auteurs, la cause en est dans les déluges. Ainsi Avicenne, à la fin des Météores, dit que le cours des eaux est une cause de génération des montagnes.

» Ou bien les montagnes ont pour causes les gaz (ventositates) enfermés sous la terre ; ces gaz soulèvent la terre en certains endroits et point en d’autres. Ainsi Aristote rapporte, au second livre des Météores, qu’une colline ou monticule avait été soulevé par des gaz enflammés ; ce monticule se déchira, et la cendre qui en sortit détruisit la ville de Lipari et plusieurs autres villes d’Italie.

» Ou bien encore, il faut donner cette réponse qui s’applique plus exactement à notre propos : Telle partie de la terre est tenace et visqueuse ; telle autre est sableuse et facile à diviser ; la pluie survenant, celle-là demeure, tandis que celle-ci s’accumule sur la première et s’élève sous forme de monticule.

» La façon de cultiver les champs aide grandement à cet effet. Les Lombards et les Flamands tracent des fossés et des canaux, ce que ne font point les Français, les Anglais et les Écossais ; partant, chez ceux-ci, l’eau entraîne la terre avec elle et la dresse en forme de monticule ; chez ceux-là, elle ne le fait que très peu. Ce qu’on vient de dire saute aux yeux de ceux qui examinent les confins de la Picardie et de la Flandre, ainsi que d’autres lieux. »

Si certaines contrées sont montagneuses, il le faut attribuer aux ruissellements des eaux ; ce n’est pas que l’érosion ait creusé des vallées auprès desquelles les parties de terre, demeurées’ intactes, s’élèvent en collines et en montagnes ; ce sont, au contraire, ces collines et ces montagnes qui doivent leur formation aux matériaux apportés, entassés par les cours d’eau. En assurant, par des fossés et par des canaux, l’écoulement paisible et régulier des eaux, les habitants de la Flandre et de la Lombardie ont évité que leurs plaines ne se couvrent peu à peu d’éminences engendrées par les alluvions. Vraiment, l’Orogénie neptunienne des Frères de la Pureté et d’Avicenne produit ici ses conséquences les moins sensées.

Des soulèvements éruptifs, auxquels Albert le Grand attribuait le principal rôle, Pierre a dit quelques mots ; il y revient ailleurs ; mais, comme Ristoro d’Arezzo, c’est pour ramener