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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

capable de produire les montagnes ou de les détruire ; lorsque la raison qui engendre le tremblement de terre, raison qui siège au sein de la terre, est puissante, elle peut projeter la terre vers le haut et produire une montagne ; elle peut encore enfler la terre par dessous, de telle sorte que sous le mont ainsi soulevé, il demeure seulement une cavité ; cette même raison produit l’un ou l’autre effet selon la nature du terrain. Il nous est arrivé de faire l’ascension de telles montagnes ; en nous promenant à leur surface, en les frappant pour les étudier, nous les avons entendues retentir et résonner comme si elles étaient creuses et élastiques à l’intérieur. »

À ces diverses causes capables de produire les montagnes, Ristoro d’Arezzo en joint une que ni le Liber de elementis ni Avicenne ni Albert le Grand n’avait invoquée ; il s’agit de l’attraction exercée sur certaines portions de la terre par certaines étoiles du ciel. « Ces étoiles peuvent rassembler de la terre, en amonceler les parties les unes sur les autres, tirer cette terre vers elles comme, par sa vertu, l’aimant attire le fer, construire enfin des montagnes aussi nombreuses et aussi grandes qu’il convient à leur besoin. »

Ce passage ne doit point nous étonner ; plus qu’Avicenne, plus même qu’Albert le Grand, Ristoro est soucieux de trouver au ciel la cause de chacun des phénomènes qui s’observent ici-bas.

« Les quatre sphères des éléments, dit-il[1], sont ennemies l’une de l’autre et contraires l’une à l’autre ; elles n’ont donc pas la vertu nécessaire pour se mêler ensemble, pour produire un accident quelconque ni la raison de quoi que ce soit, pour ne se point mouvoir et demeurer chacune en son lieu. Nous ne trouvons donc pas que nous leur puissions demander les raisons des choses, que nous leur puissions poser ces questions. Pourquoi ? Où ? Combien ? Quand ?

» Si donc nous voulons savoir la raison de toutes les choses au sujet desquelles on peut dire : Pourquoi ? nous avons besoin de recourir ailleurs et d’aller chercher le corps du Ciel, qui est le moteur, et dans lequel nous trouverons les raisons du Pourquoi, de l’Où, du Combien, du Quand. C’est en lui que toute chose a une raison ; nous trouverons qu’il est le moteur de tous

  1. Ristoro d’Arezzo Op. laud., lib. VII, cap. IV : Di trovare la ragione perche li venti e le pluvie, e le grandini e l’abbondanza, e la fame é la pace, e la guerra e altri accidenti, che si fanno in diverse parti del mondo, secondo li tempi e la diversità delle luogora. Ed. 1864, p. 239.