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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

qu’on peut regarder comme une paraphrase de ce qu’Avicenne avait écrit, de ce que Vincent de Beauvais avait reproduit. Traduisons cette page[1] :

« Étudions maintenant la génération et la corruption des montagnes ; voyons comment elles se peuvent faire et défaire.

» Nous observons que l’eau dilue la terre, que cette terre descend des montagnes pêle-mêle avec l’eau, qu’elle remplit les vallées et en élève le niveau ; d’un autre côté, nous voyons l’èau excaver le sol, l’entailler et faire des vallées ; la vallée faite, il reste une montagne ; nous voyons l’eau enlever la terre d’un lieu et la porter dans un autre ; nous la voyons prendre la terre en un lieu bas et la monter en un lieu élevé ou bien, au contraire, la ramener du lieu élevé au lieu bas ; par tout cela, il paraît qu’elle a vertu pour produire des montagnes et des vallées. Cela se reconnaît à la suite des crues des fleuves ; lorsqu’ils viennent à baisser, la terre que les eaux avaient couverte et le sable qu’elles ont apporté se montrent tout sillonnés de monts et de vallées. Cela se voit encore sur les rivages de la mer ; en rejetant le sable hors de son sein, elle forme une dune à laquelle elle donne des figures de montagnes et de vallées, comme si elle s’étudiait à les produire. Au cours des saisons, nous voyons l’eau affouiller la terre, la tirer du fond de son lit, la soulever et la porter en un lieu plus haut ; à l’égard de l’excavation produite de la sorte, ce lieu devient un mont.

» Les montagnes peuvent encore avoir été produites par l’eau du déluge. Alors que l’eau du déluge couvrait la terre, qu’elle séjournait par toute la terre, elle a pu, par l’effet du vent ou de quelque autre cause, enlever la terre de certains endroits et la porter en d’autres endroits ; car lorsque l’eau séjourne à la surface de la terre, il est de sa nature de laisser la terre montueuse et vallonnée. »

D’une manière toute semblable, Avicenne avait attribué la formation de certaines inégalités du sol à des envahissements momentanés de la terre par la mer ; « parfois, disait-il, la mer couvre la terre ». Ristoro précise ; il ne considère qu’un seul

  1. Ristoro d’Arezzo, La composizione del Mondoee. Testo italiano del 1282, publicato da Enrico Narducci. Roma, Tipografla delle Scienze matematiche e fisiche, 1859. — Della composizione del Mondo, Milano, 1864. (Nos citations se rapportent à cette seconde édition.) — Libro VI, capitolo VIII : Della cagione e del modo della generazione delli monti, e della loro corpuzione ; pp. 162-166.