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LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE

ture des inégalités du sol au travail érosif des eaux pluviales[1] ; mais il fait suivre ces raisonnements d’un chapitre[2] où il expose quelles sont, selon lui, les causes de la génération des montagnes ; nous y trouvons une paraphrase bien reconnaissable du chapitre qui porte le même titre au Traité des minéraux d’Avicenne ; nous y trouvons aussi la trace des observations personnelles du laborieux Dominicain.

« Au sujet de la question actuellement posée touchant la génération des montagnes et des vallées, voici la vérité : Les montagnes et les vallées peuvent être engendrées par deux causes ; l’une de ces causes est essentielle et universelle ; l’autre est particulière, elle n’agit qu’à certaines époques et en certains lieux.

» La cause essentielle et universelle est la suivante : Les montagnes naissent des tremblements de terre, en des régions Où la surface du sol est trop solide et trop compacte pour se laisser briser ; alors, en effet, les gaz (ventus) qui se sont formés en abondance à l’intérieur de la terre et qui sont violemment agités, soulèvent le sol et forment des montagnes. Les tremblements de terre sont fréquents auprès de la mer ou des grands amas d’eau, parce que ces eaux bouchent les pores de la terre et empêchent le dégagement des vapeurs, émises par la terre, qui sont emprisonnées dans les entrailles du sol ; aussi est-ce près de la mer ou des grandes nappes d’eau que naissent, en’ général, les montagnes les plus élevées. Sous ces montagnes subsiste une cavité capable de contenir une grande quantité d’eau ; aussi les lieux montueux sont-ils, bien souvent, les lieux où les sources abondent et qui, par leur ruissellement, engendrent les grands lacs.

» La surface soulevée ne devient point solide et résistante, sinon aux dépens du limon gluant et visqueux que l’afflux de l’eau y amène. On trouve donc, dans les lieux montueux, des rochers immenses et nombreux ; ils ont été engendrés par ce limon et par la chaleur, car cette chaleur réunit ensemble les diverses parties du limon ; cette chaleur est elle-même produite soit par les rayons du Soleil, soit par le mouvement des vapeurs terrestres.

  1. Alberti Magni Op. laud., lib. II, tract. III, cap. IV : De improbatione eorum qui dixerunt montes et valles causari a cavatione aquarum.
  2. Alberti Magni Op. laud., lib. II, tract. III, cap. V : Et est digressio declarans causam essentialem et causas accidentales montium.