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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

taire où les fruits de ses propres observations se trouvent introduits dans une paraphrase du texte apocryphe.

L’Évêque de Ratisbonne reproduit presque mot pour mot ce que le Pseudo-Aristote avait écrit du changement de place de la mer et les arguments astrologiques par lesquels il avait réfuté cette opinion[1] ; mais il y ajoute les remarques qu’il a recueillies au cours de ses voyages : « Peut-être objectera-t-on que la mer d’Angleterre, qui est une partie de l’Océan, s’est retirée de la ville qu’on nommait autrefois Tuag Octavia ; nous avons, de nos propres yeux, constaté qu’auprès de cette ville, en peu de temps, la mer avait délaissé un grand espace. De même pourra-t-on dire que la mer s’éloigne sans cesse de cette ville de Flandres qu’on nomme Burig (Bruges). Mais nous dirons que ce retrait n’est pas continu, qu’il n’est nullement causé par le mouvement du ciel des étoiles fixes, et qu’il est purement accidentel… Il se produit, en effet, parce que des dunes se forment à l’entrée des ports et que les lames de la mer les élèvent sans cesse ; la mer se ferme ainsi à elle-même l’accès de ces villes et se retire peu à peu. Dans ces pays-là, d’ailleurs, on chasse de force la mer du lit qu’elle occupe en élevant des digues le long des rivages ; les habitants de ces contrées, en refoulant ainsi la mer, conquièrent de grandes étendues de terre. Le recul de la mer, en ces lieux, n’est donc pas naturel, mais accidentel…

» Quant à cette rame qui fut trouvée, dit-on, par un homme qui creusait un puits, elle avait été, sans doute, très anciennement placée en ce lieu ; puis, de la terre avait été amoncelée sur cet objet, que la fraîcheur du sol avait ensuite protégé contre la pourriture ; ou bien encore la mer avait pu se trouver autrefois en cet endroit et s’en être retirée accidentellement. C’est ainsi qu’à Cologne, nous avons vu creuser des fosses très profondes au fond desquelles on a trouvé des constructions dont le revêtement portait des dessins et des décorations admirables ; les hommes les avaient élevées dans l’Antiquité ; puis, à la suite de la ruine des édifices, la terre s’était accumulée par dessus. »

Albert reproduit d’une manière presque textuelle les arguments du Pseudo-Aristote contre ceux qui attribuent la sculp-

  1. B. Alberti Magni, Ratisponensis episcopi, Liber de causis proprietatum elemeniorum, lib. I, tract. II, cap. II : De opinione quæ dixit mare transmutari de loco ad locum ; cap. III : De improbatione opinionis quæ dicit mare transmutari de loco ad locum.