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LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE

été sous la mer, et que la mer est maintenant en certains lieux où se trouvait la terre.’

» Il a été déclaré, en effet, que chacun des éléments était, en ses diverses parties, soumis à la corruption ; il est impossible, nous l’avons vu, qu’aucune partie d’un élément demeure incorruptible.

» D’autre part, cette vérité, le témoignage des sens nous la fait voir par ce qu’on trouve dans les profondeurs de la terre, par ces écailles de poisson et ces autres objets qui ne se rencontrent qu’en mer ; c’est ainsi qu’au dire d’Aristote, on trouve très fréquemment de ces sortes de choses dans la terre d’Égypte. »

Aristote n’avait nullement tenu ce langage ; il n’avait, aux débris fossiles d’animaux marins, fait aucune allusion ; mais tous ses commentateurs en avaient parlé ; les coquilles rencontrées sur le sol de l’Égypte, les ammonites, si abondantes au voisinage du temple d’Ammon, qu’elles avaient fait attribuer la corne de bélier au dieu qu’on y adorait, étaient communément citées.

Selon l’enseignement d’Aristote, Averroès veut que cette permutation des mers et des continents soit très lente, qu’elle ne produise d’effets apparents « qu’au bout de multiples milliers d’années. » Il veut aussi que cette transformation n’ait pas un sens prédominant, qu’il y ait une sorte de compensation entre l’apparition de continents nouveaux et la formation de nouvelles mers. De cette alternance, à l’exemple d’Aristote, il examine d’abord le mécanisme, il recherche « les causes prochaines. »

C’est l’analyse de ces causes prochaines qui le conduit à écrire : « Dans certains cas, il n’est pas impossible que le dessèchement des mers soit dû aux alluvions qu’y charrient les fleuves ; du côté de la mer où ces fleuves viennent aboutir, cette mer se transforme en terre ; mais la mer s’accroît de l’autre côté. Il se passe là ce qui se passe sous nos yeux dans les grands fleuves qui modifient leurs rives. »

On peut, dans ces lignes, retrouver un souvenir de ce qu’enseignait Straton de Lampsaque ou, mieux encore, de ce que professaient les Frères de la Pureté.

« Mais, poursuit Averroès, ce sont là seulement les causes prochaines de cette permutation. Les causes éloignées, il les faut chercher dans les mouvements du Soleil et des autres étoiles suivant l’Écliptique ; ici sont, en effet, les causes ultimes qui se trouvent au terme de toute génération et de toute corrup¬