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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Au cours des temps et des âges, les rayons du Soleil, de la Lune et des étoiles agissent sur les montagnes pour les échauffer ; l’humidité de ces montagnes s’étant dissipée, elles deviennent arides et sèches ; alors elles se fendent et se morcellent ; ce même effet est produit, en particulier, par les coups de foudre ; les montagnes sont ainsi réduites en blocs de rochers, en pierres, en gravier, en sable.

» Survient le ruissellement des eaux pluviales qui entraîne rochers, pierres et sable vers le lit des torrents et des fleuves ; ceux-ci, à leur tour, en s’écoulant, charrient ces matériaux jusqu’aux marais, aux lacs, aux mers. Les mers, alors, par la force de leurs vagues, par le choc violent de leurs ondes, par leur tumultueuse agitation, étendent sur leur fond, au cours des temps et des âges, sous forme de couches superposées, ce sable, cette terre, ce gravier ; brassés ensemble, ces dépôts s’accumulent l’un sur l’autre, et, au fond de la mer, des collines, des monts, des montagnes surgissent, comme dans les steppes et les déserts, au souffle du vent, se dressent les dunes de sable.

» Mais ces montagnes, ces monceaux de sable, ces entassements de roches dont nous admettons la formation au sein de la mer, finissent par combler les profondeurs de cette mer ; celle-ci, alors, s’étale et cherche à se répandre ; elle déborde ses rivages, elle s’étend sur les déserts et sur les plaines et les couvre de ses eaux.

» Au cours des temps, la mer, sans cesse, continue de s’épandre, jusqu’à ce que les plaines soient devenues des mers ; sans répit, les montagnes se fendent et se transforment en roches, en gravier et en sable ; sans relâche, le ruissellement des eaux pluviales roule tous ces débris au lit des fleuves et, continuellement, ceux-ci, dans leur cours, entraînent tous ces matériaux à la mer, et ces matériaux s’agglomèrent ensemble comme nous l’avons supposé.

» Ainsi les plus hautes montagnes s’abaissent et décroissent jusqu’à ce qu’elles soient réduites au niveau de la surface terrestre.

» D’autre part, le sable et la terre continuent sans relâche de se déposer au fond de la mer, de s’agglomérer, de former des collines et des montagnes ; du lieu où ces montagnes se forment, l’eau est chassée peu à peu, en sorte que des îles et des terres fermes surgissent enfin du sein des flots ; l’eau qui reste dans les creux et les lieux bas forme des lacs et des étangs ; quant aux montagnes, aussitôt qu’elles ont apparu, l’eau les a délais-