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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

est de même de la surface, en sorte qu’un courant continu entraîne vers l’Océan les eaux de la Méditerranée et du Pont-Euxin. C’est ce qu’Aristote avait très formellement enseigné :

« Cet ensemble de mers qui aboutit aux Colonnes d’Hercule, avait-il dit[1], écoule dans le sens de la déclivité terrestre les eaux que lui amènent une foule de fleuves. Le Palus Méotide coule dans le Pont-Euxin et le Pont-Euxin dans la Mer Égée. L’écoulement des autres mers est moins visible. Cela est dû au grand nombre des fleuves, car le Palus Méotide et le Pont-Euxin reçoivent plusieurs grands cours d’eau. Cela est dû aussi à la hauteur de la mer ; la mer semble être d’autant plus basse qu’elle s’approche davantage des Colonnes d’Hercule ; le Pont-Euxin est plus bas que le Palus Méotide ; la Mer Égée est plus basse que le Pont-Euxin ; la Mer de Sicile est plus basse que la Mer Égée ; la Mer Tyrrhénienne et la Mer de Sardaigne sont, de toutes, les plus basses ; quant aux eaux qui se trouvent en dehors des Colonnes d’Hercule, elles sont comme dans une cavité. De même qu’on voit les fleuves couler des lieux les plus élevés vers les lieux les plus bas, de même, dans l’Océan, un courant continuel s’établit des lieux les plus élevés de toute la terre, qui sont les régions arctiques, vers les lieux les plus bas. »

Dans ce que Strabon nous rapporte[2] de l’enseignement de Straton de Lampsaque, nous retrouvons l’inspiration de ce passage du Stagirite ; cet enseignement était, en effet, le suivant :

« Le Pont-Euxin est la moins profonde de toutes les mers, tandis que les mers de Crète, de Sicile et de Sardaigne sont les plus profondes. En effet, les fleuves les plus nombreux et les plus grands sont ceux qui viennent du Nord et de F Est ; leur limon comble peu à peu le Pont-Euxin, tandis que les autres mers demeurent profondes ; aussi l’eau du Pont-Euxin est-elle très douce, et se fait-il un constant écoulement dans la direction selon laquelle le fond de la mer est incliné. Straton de Lampsaque pense que si cet afflux des fleuves se maintient, le Pont Euxin finira par être entièrement comblé de terre accumulée ; déjà, la partie gauche (occidentale) du Pont, où se trouve Salmydesse[3], et celle que les marins nomment Stethe, qui avoisine Histrum et le désert des Scythes, sont converties en marais. »

  1. Aristote, Météores, livre II.
  2. Strabon, loc. cit.
  3. Aujourd’hui Midjeh.