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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

et l’auteur n’en est point connu avec certitude ; un manuscrit du xive siècle, conservé à la Bibliothèque Sainte-Geneviève, l’attribue à Albert le Grand[1]. Ce petit écrit tient, au sujet de la période mensuelle de la marée, un langage que nous n’avons pas entendu jusqu’ici et qui mérite, par là, d’être rapporté.

« La Lune[2] domine le mois, dont la révolution mesure les conceptions et les grossesses, dit Aristote. La Lune, en effet, est un second Soleil, car elle reçoit sa lumière du Soleil ; aussi ce que le Soleil fait en un an, elle le fait en un mois. Depuis l’instant où elle commence à croître, jusqu’au premier quartier, elle est chaude et humide comme le printemps. Du premier quartier à la pleine-lune elle est chaude et sèche comme l’été. De la pleine-lune au dernier quartier, elle est froide et sèche comme l’automne. Enfin du dernier quartier à la conjonction, elle est froide et humide comme l’hiver.

» Que la Lune soit naturellement apte à mettre en mouvement la substance humide, cela se voit d’une manière évidente par le flux et le reflux de la mer ; en effet, dans la demi-lunaison, qui est de quatorze[3] jours, la marée, tant par son ascension que par sa descente, revient au terme de son cycle (redit[4] ad circulum). Si, un certain jour, le flux de la mer est minimum, il reviendra, le quatorzième[5] jour, au même degré de petitesse. En effet, bien qu’en la demi-lunaison, la Lune parcourt seulement la moitié de son cercle, le mouvement de l’auge [de l’excentrique], courant en sens contraire, accomplit, pour son compte, une autre demi-révolution ; chaque mois, en effet, la Lune se trouve deux fois à l’auge [de l’excentrique] ; elle y est au moment de l’opposition et au moment de la conjonction. »

De ce que la marée admet sensiblement pour période la durée de la demi-lunaison, notre auteur, qui n’en peut soupçonner la véritable cause, cherche la raison dans ce fait que cette même durée suffit au centre de l’épicycle de la Lune pour parcourir en entier son déférent excentrique ; il eût pu concevoir un plus sot rapprochement.

Ce rapprochement était également admis par un traité d’Astro¬

1. P. Mandonnet, {{Op. laud.|cap}}, p. 130.

2. S. Thomæ Aquinatis Opuscula ; Opusc. XXVIII : De fato ; art. IV : An fatum sit scibile.

3. Le texte, très fautif, porte : novem, sans doute par suite d’une erreur de copiste qui a lu VIIII au lieu de XIIII.

4. Le texte porte : recedit.

5. Ici le texte porte exactement : quarto decimadée.

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