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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — II

était, tout d’abord, couverte par les eaux ; puis que, sur l’ordre de Dieu, les eaux se sont réunies en un même lieu et la terre ferme a paru, afin que l’homme et les autres animaux eussent une habitation qui leur pût convenir. Or cette réunion des eaux en un même lieu ne pourrait se faire si la terre demeurait en son centre, car l’eau tendrait alors à recouvrir la terre ferme ; il a donc été nécessaire que la terre montât hors de son lieu naturel. Voici les paroles mêmes qu’écrit Campanus ; ^près avoir énuméré la position et l’ordre des sphères célestes et l’ordre du feu et de l’air, il dit : « La seconde sphère est la sphère de l’eau, dont la surface sphérique se trouve, selon l’ordre de Dieu, interrompue par la surface de la terre, la terre ferme émerge du milieu de cette interruption ; l’ordre de Dieu était celui-ci : Ut congregarentur aquæ… »

Ce texte n’est pas, comme le dit notre auteur, emprunté au Traité de la sphère de Campanus ; il est tiré de la Théorie des planètes du Géomètre de Novare ; notre auteur, d’ailleurs, force et fausse la pensée de Campanus[1] ; mais, sans insister plus longuement à ce sujet, poursuivons notre citation :

« Contre cette supposition, voici un premier argument : S’il en était ainsi, on pourrait trouver sur la terre des endroits où une masse de terre et une masse d’eau ne tomberaient pas suivant le même chemin. Cette conséquence est contraire à l’expérience ; en quelque endroit qu’on élève une masse d’eau au-dessus du sol, elle tombe suivant le même chemin qu’une masse de terre mise au même endroit. Et, d’autre part, cette conséquence découle de la supposition faite, car l’eau se mouvrait vers le centre de l’eau et la terre vers le centre de la terre, et ces deux centres seraient distincts si la sphère de l’eau et la sphère de la terre étaient excentriques.

» En second lieu, le contour de la terre habitable serait de figure circulaire. On ne peut admettre cette conséquence car suivant Aristote, dans ce second livre des Météores, et selon plusieurs autres, la terre habitable est plus allongée de l’Est à F Ouest que du Nord au Sud. Et d’autre part, on peut prouver que la conséquence découle de l’hypothèse faite, car la portion d’une sphère qui s’élève au-dessus d’une surface sphérique de centre différent possède un contour circulaire.

» Laissant donc de côté cette supposition, il nous faut admettre que la terre et l’eau sont toutes deux concentriques

  1. Voir : ch. XVI, § VI, pp. 130-132.