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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — II

de l’eau. « L’ensemble de la terre se meut donc vers le milieu du Monde et, à ce mouvement, l’eau n’apporte pas un empêchement tel que la terre et l’eau soient, toutes deux, excentriques.

» Il me paraît donc plus vraisemblable que le centre de gravité de la terre ferme se trouve au centre du Monde ou près de ce centre ; en la partie du globe que l’eau recouvre, la terre est beaucoup plus lourde que celle qui se trouve de notre côté ; quant à l’eau, bien qu’elle soit naturellement grave, elle est moins grave que la terre ; cette eau demeure donc simplement superposée à la partie la plus dense de la terre, tandis qu’émerge la partie de la terre qui est la plus légère…

» Le centre de gravité de la terre tout entière coïncide avec le centre du Monde ; c’est autour de ce même centre que l’eau demeure en repos ; c’est vers lui qu’elle se meut ; elle s’en approche autant que possible.

» Imaginons que la terre soit, tout d’abord, supprimée et que toute l’eau se trouve réunie autour du centre du Monde ; concevons ensuite qu’on submerge la partie la plus lourde de la terre jusqu’à ce que le centre de gravité de cette terre occupe le centre du Monde ; on admet, en effet, que cette sphère terrestre n’est pas d’une gravité uniforme, qu’un quart de cette sphère est, par exemple, plus lourd que tout le reste ; cette partie la plus lourde demeurerait alors près du centre [et au-dessous de lui], tandis que les trois autres demeureraient au-dessus ; ainsi pourrait-il se faire qu’une partie de la terre demeurât hors de l’eau, à cause de sa plus grande légèreté. »

Nous reconnaissons la théorie proposée par Jean Buridan et par Nicole Oresme, la théorie à laquelle Albert de Saxe s’était rallié. De ces physiciens et, particulièrement du dernier, Thémon s’est montré fidèle interprète.


VIII
l’équilibre de la terre et des mersselon Marsile d’inghen


À suivre la pensée de ses maîtres, Marsile d’Inghen n’est pas toujours aussi exact.

Dans son Abrégé du livre des Physiques, Marsile ne fait qu’une très courte allusion à la théorie, désormais courante à Paris, de l’équilibre de la terre.