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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — II

de mouvement naturel vers son lieu propre, c’est par cette même gravité qu’il demeure en repos lorsqu’il réside en ce lieu ; mais cette gravité est dite tantôt actuelle, et tantôt habituelle ou potentielle ; actuelle, quand, d’une manière actuelle, elle incline au mouvement ; potentielle, quand elle n’incline pas au mouvement d’une manière actuelle. »

La gravité par laquelle se meut vers son lieu propre un grave qui en a été éloigné n’est donc pas anéantie au moment où le poids, ayant atteint son lieu, s’arrête et demeure en repos ; elle continue d’exister, mais d’actuelle, elle est devenue habituelle ou potentielle.

La gravité potentielle est, d’ailleurs, toujours prête à redevenir actuelle. « Qu’on veuille arracher une partie de terre à son lieu propre ; elle va résister. En effet, aussitôt qu’on tentera de violenter cetts terre, cette gravité qu’elle possédait et qu’on appelait seulement habituelle va passer à l’acte et résister, à celui qui veut soulever ce poids ; et à partir de ce moment, il la faudra nommer gravité actuelle ; j’accorde donc que même en son lieu naturel, un poids posséderait une gravité actuelle dès là qu’on lui voudrait faire violence ; la gravité ne mérite pas seulement le nom de gravité actuelle, en effet, lorsque, d’une manière actuelle, elle incline le poids au mouvement vers le bas, mais encore lorsqu’elle résiste et fait effort contre la violence. »

Un Archimède eût sans doute accordé la légitimité de cette distinction ; mais il eût ajouté qu’un élément pesant, lorsqu’il se trouve en son lieu naturel, comprime, en vertu de sa gravité habituelle ou potentielle, les corps qui le supportent, qui l’empêchent de descendre davantage et qui, par là, lui font violence.

Cette proposition, Albert de Saxe se refusera à la prendre pour vérité. Si un poids exerce une pression sur le support qui l’empêche de descendre, c’est seulement dans le cas où ce support le retient hors de son lieu naturel ; et alors ce n’est pas par sa gravité potentielle, mais par sa gravité actuelle que ce poids comprime l’obstacle : « Un grave entravé et retenu en l’air, à l’aide d’une colonne, par exemple, est grave d’une manière actuelle ; en effet, bien que sa gravité ne le meuve pas d’une manière actuelle, elle fait cependant effort, d’une manière actuelle, pour comprimer le support qui retient le poids par violence. »

Mais lorsqu’un corps pesant réside en son lieu naturel, lorsqu’il possède encore une gravité habituelle mais plus de gravité