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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — II

La solution donnée par Laplace au problème de l’équilibre des mers consiste en une série d’approximations successives ; ces approximations fournissent une suite de surfaces de plus en plus voisines de la borne véritable de l’Océan. La figure déterminée par la première approximation est celle d’une sphère ; comme le centre de gravité d’une surface sphérique coïncide évidemment avec le centre même de cette surface, on peut énoncer cette proposition : Au premier degré d’approximation, l’Océan est terminé par une surface sphérique dont le centre coïncide avec le centre de gravité de toutes les masses, tant solides que liquides, qui composent le globe terrestre. C’est donc cette première approximation qu’Albert de Saxe avait reconnue par une très heureuse intuition.

Mais, dans ses Questions sur les livres du Ciel et du Monde, il eut la malencontreuse idée de rejeter la proposition que ses Questions sur la Physique avaient jugée véritable ou très probable ; voici, en effet, le langage qu’il tient dans ce nouvel ouvrage[1].

« Mais, direz-vous, ce qui est au centre du Monde, il ne semble pas que ce soit le centre de gravité de la terre ; il semble plutôt que ce soit le centre de gravité de l’agrégat formé par la terre et l’eau ; en effet, puisque, d’un côté, la terre est couverte d’eau, il semble que, cette eau, prise avec la partie de la terre que l’eau recouvre, doit faire contre-poids à l’autre partie de la terre, et la repousser jusqu’à ce que le centre [de gravité] de tout l’agrégat formé par la terre et par l’eau soit devenu le centre du Monde.

» Nous répondrons en niant que le centre de gravité de tout l’agrégat formé par la terre et par l’eau soit le centre du Monde. Si l’on imaginait, en effet, que toute l’eau fût ôtée, le centre de gravité de la terre serait certainement le centre du Monde… ; mais la terre est essentiellement plus grave que l’eau, comme le montre une petite masse de terre qui descend au sein d’une grande masse d’eau ; partant, qu’une quantité d’eau quelconque soit placée d’un côté de la terre et non de l’autre côté ; cette partie-ci de la terre n’en recevra pas plus d’aide qu’auparavant pour contrebalancer et repousser cette partie-ci ; et cela parce que l’eau est essentiellement moins grave que la terre. La réponse à l’argument est donc évidente, car je dis que la

1. Alberti de Saxonia. Quæstiones in libros de Cælo et Mundo, lib. II, quæst. XXV. (Quæst. XXIII apud. ed. Parisiis, 1516 et 1518.)

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