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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Une terre est donnée, qui se compose d’une masse solide de figure quelconque et d’un océan que constitue un liquide homogène ; le corps solide est en partie recouvert par l’Océan ; il émerge en partie.

Toutes les parties infiniment petites en lesquelles on peut subdiviser par la pensée ce solide et ce liquide s’attirent deux à deux suivant la loi que Newton a posée, c’est-à-dire proportionnellement au produit de leur masse et en raison inverse du carré de leur distance.

La terre ainsi faite, enfin, est animée du mouvement compliqué que F Astronomie lui attribue.

Quelle sera la figure de la surface qui bornera l’Océan ?

Les progrès de la Science consistent, en grande partie, à nous mieux faire reconnaître la difficulté des questions qu’elle pose. Albert de Saxe et ses contemporains n’hésitaient pas à rechercher la condition d’équilibre de la terre et des mers. Aujourd’hui, nous voyons que la solution du problème, tel qu’il vient d’être formulé, passe les forces de nos procédés algébriques.

Pour le résoudre, donc, Laplace a commencé par le simplifier.

Il a réduit le mouvement compliqué de la terre à une simple rotation uniforme autour de l’axe du Monde.

Il a supposé que le noyau solide n’émergeait nulle part, qu’il était partout recouvert par l’Océan.

Enfin, il a tenu pour assuré d’avance que la surface qui borne l’Océan différait peu d’une sphère.

Alors, à l’aide d’une méthode dont il a été le créateur, il lui a été possible de déterminer la figure que doit prendre cette surface.

En particulier, il a établi un très beau théorème, qui est véritable, quelles que soient la configuration et la constitution du noyau solide entièrement recouvert par l’Océan ; ce théorème est le suivant[1] : Le centre de gravité de la surface[2] des mers coïncide avec le centre de gravité de tout le sphéroïde composé par le noyau solide et par l’Océan.

1. P. S. Laplace, Traité de Mécanique céleste, première partie, livre III, chapitre IV : De la figure d’un sphéroïde très peu d’une sphère et recouvert d’une couche de fluide en équilibre. N° 31. Tome second. Paris, an VIII. p. 90.

2. On sait ce que les géomètres entendent par là. Ils supposent qu’on recouvre la surface considérée d’une couche matérielle qui ait partout même densité et même épaisseur infiniment petite ; le centre de gravité du corps ainsi formé est ce qu’ils nomment centre de gravité de la surface.

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