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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — II

centre de gravité de tout l’agrégat formé par cette masse et par les autres poids devînt le centre du Monde (terra descen* deret et moveret tamdiu quam medium ipsuis gravitatis totius aggregati ex ipsa et aliis gravitatibus fleret medium mundi) », il ajoutait :

« Je dis qu’on doit concevoir une opinion conforme de tout l’agrégat formé par la terre et l’eau ; elles font peut être une gravité totale dont le centre de gravité est le centre du Monde. — Dico quod conformiier intelligendum est de toto aggregato ex terra et aqua, quæ forte faciunt unam totalem gravitatem cujus medium gravitatis est medium Mundi, »

Le centre du Monde, d’ailleurs ne coïncide pas seulement avec le centre de gravité de tout l’ensemble des corps pesants ; il coïncide également avec le centre de légèreté de l’ensemble des corps légers. « Le froid[1] étant particulièrement intense sous les pôles, la couche de l’élément igné y serait bien plus mince qu’à l’équateur, si le feu, continuellement engendré à l’équateur, ne s’écoulait constamment vers les pôles. De même que l’eau s’écoule constamment vers les lieux les plus bas, afin que le centre de toute gravité se trouve au centre du Monde, de même nous devons admettre que le feu s’écoule sans cesse de l’équateur vers les pôles, afin que son centre de légèreté soit au centre du Monde. Il faut concevoir que, sous les pôles, le feu se transforme constamment en air, tandis qu’à l’équateur, l’air se transforme continuellement en feu ; et, sans cesse, le feu coule de l’équateur vers les pôles, afin que le centre de toute légèreté se trouve au centre du Monde, comme le centre de toute gravité. — Unde imaginandum est quod sicut aqua continue [luit ad locum decliviorem ut centrum gravitatis totius sit centrum Mundi, ita et continue ignis fluit de æquinoctiali versus polos ut centrum ejus levitatis sit centrum Mundi… ad istum finem ut semper centrum totius levitatis sit centrum Mundi, sicut centrum totius gravitatis, »

Albert de Saxe avait entrevu une grande vérité.

Le problème de l’équilibre de la terre et des mers, auquel il consacrait les pages que nous venons d’analyser, a été repris au moyen des principes de la Mécanique céleste Newtonienne et par le plus grand des successeurs de Newton, par Laplace. Selon les lois de la gravitation universelle, le problème, pris dans toute son ampleur, pourrait se formuler ainsi :

1. Alberti de Saxonia Op. laud., lib. IV, quæst. VI.

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